«Si on ne réinstalle pas les réfugiés au sud de la Tunisie, ils viendront chez nous dans des bateaux, via Lampedusa ou Malte», a averti Judith Sargentini.
La députée européenne (Verts/Ale, Pays Bas) parlait au cours d’une conférence de presse, vendredi, au siège de la Délégation de l’Union européenne, à Tunis.
Une délégation de six députés européens de plusieurs pays s’est rendue en Tunisie, du 13 au 16 juillet, pour visiter des camps de réfugiés et rencontrer des représentants des autorités locales, d’organisations internationales et d’Ong, ainsi que le Premier ministre tunisien et plusieurs autres ministres.
Honte à l’Europe
«Nous nous sommes rendus le long de la frontière libyenne pour évaluer la situation des réfugiés de nos propres yeux», a déclaré le Maltais Simon Busuttil (Ppe) à l’issue de la mission. «Aussi bien en termes de sécurité que par le temps qu’il fait (canicule, vent), les conditions dans lesquelles vivent les réfugiés dans le camp de Choucha sont très dures», a-t-il ajouté, soulignant que c’est «quand-même salutaire» qu’il ne reste que 3.000 à 4.000 réfugiés des plus de 700.000 qui sont arrivés depuis le début de la guerre en Libye. Ceux qui sont encore là ne sont restés que parce que «c’est impossible d’être rapatriés chez eux», a expliqué M. Busuttil.
Conscient des problèmes qui secouent le camp de Choucha, notamment la violence, la prostitution et la corruption dans la gestion des aides humanitaires, le groupe de députés européens, qui représentent des sensibilités politiques différentes, sont unanimes que la situation ne peut être résolue «dans l’immédiat».
Selon eux, étant donné que les options de rapatriement vers les pays d’origine et l’intégration dans la société tunisienne sont «impossibles», la réinstallation des réfugiés dans d’autres pays (du nord) reste l’unique solution réalisable.
Si des pays comme la Norvège, les États-Unis et les Émirats-arabes ont déjà accepté de réinstaller des réfugiés chez eux, «il n’y a pas pourquoi l’Union européenne ne le fait pas». «C’est une honte à l’Europe», déplore la députée hollandaise Judith Sargentini (Verts/Ale). «Ce n’est donc pas surprenant que la camp de Choucha célèbre la Norvège mais pas les pays européens censés être les premiers à venir au secours de ressortissants de pays avec lesquels ils ont de forts rapports postcoloniaux».
Pour Nathalie Griesbeck (Adle, France), la diversité politique des membres de la délégation contribuera à convaincre les Etats européens de prendre des mesures concrètes au sujet de la réinstallation des réfugiés qui sont encore sur le territoire tunisien. Griesbeck demande, cependant, à ce que les politiques européens se positionnent face à deux questions principales: mettre «des propositions concrètes dans leurs propos» et réussir à «repousser la frilosité des Etats membres concernant la politique d’asile».
A ce même titre, Judith Sargentini appelle les ministres européens de la Défense et de l’Intérieur, qui se réuniront lundi et mardi prochains en Pologne, à débattre de la crise des réfugiés en Tunisie. «Si on ne réinstalle pas ces réfugiés, a-t-elle averti, ils viendront chez nous dans des bateaux, via Lampedusa ou Malte». D’ailleurs, les députés européens ont noté sur place que, chaque nuit, plusieurs réfugiés reviennent en Libye pour prendre la mer vers l’Europe. C’est l’une des raisons pour laquelle ils exhortent les autorités tunisiennes à déplacer le camp plus loin des frontières tuniso-libyennes.
Admettant que «l’Europe ne peut plus rester les bras croisés face à ces réalités», les parlementaires européens ont tenu à rappeler que l’Union européenne a déjà dépensé 70 millions d’euros sous forme d’aide directe et indirecte aux réfugiés et même, disent-ils, aux villes et communautés qui les ont accueillis chez eux.
Ils précisent que le fait que ce sont les organisations internationales et humanitaires (Unhcr, Croissant Rouge, Ong…) «ne doit pas faire oublier que c’est l’argent de l’UE». «Et nous continuerons à demander davantage de fonds pour les camps des réfugiés», soulignent les Députés.
Une révolution contemporaine
Ces derniers ont salué le peuple tunisien qui a fait sa révolution «seul, sans les partis politiques, sans l’armée et sans l’interférence étrangère ». «C’est une révolution du 21e siècle, souligne Nathalie Griesbeck. Une démocratie contemporaine». Ces chevronnés de la politique se veulent «réalistes» quant à la transition en Tunisie. «Le processus démocratique est très difficile à réussir et le peuple tunisien doit faire preuve de patience et de sacrifice». «Ce n’est pas un morceau de gâteau», averti Simon Busuttil.
Cependant, les Européens s’absentent de «donner des leçons » aux Tunisiens. «L’Europe est pleine d’expériences (de transition démocratique), soulignent-ils. Plusieurs ont connu le succès et la Tunisie peut apprendre de ces expériences ».
L’Europe doit se limiter au soutien financier «qui est déjà grand, mais qui doit être augmenté», selon eux.
La délégation a compris Simon Busuttil (Ppe, Malte), Claude Moraes (S&D, Royaume Uni), Judith Sargentini (Verts/Ale, Pays Bas), Agustín Díaz de Mera García Consuegra (Ppe, Espagne), Nathalie Griesbeck (Adle, France) et Sylvie Guillaume (S&D, France).
Mourad Teyeb