Lors d’un débat à Tunis, Christopher O’Connor, ambassadeur du Royaume-Uni, a parlé de la stratégie de son gouvernement vis-à-vis de la transition politique et économique en Tunisie. Son diagnostic est globalement positif.
Par Mourad Teyeb


M. O’Connor a commencé par affirmer que sous le régime tunisien déchu, la Chambre tuniso-britannique de commerce (Tbcc), organisatrice de la rencontre, était «techniquement inexistante» mais constitue aujourd’hui «un véhicule des échanges commerciaux entre les deux pays».

Un optimisme mesuré
L’ambassadeur britannique s’est dit «optimiste» quant à la réussite de la transition démocratique en Tunisie et ce «malgré les problèmes (sit-in, vagues de violence etc.) et les préoccupations sur le plan économique, où la réalité ne répond toujours pas aux attentes du peuple».
Plusieurs facteurs nourrissent cet optimisme de M. O’Connor. Il cite d’abord «le consensus» qui s’est établi autour de quelques questions délicates comme la Constituante et l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).
«Comparée à des pays du Moyen-Orient, de l’Afrique ou de l’Amérique Latine, la Tunisie semble retrouver le cours normal de la vie et donne l’impression qu’il existe de très fortes chances que, dans quatre ou cinq années, elle sera meilleure» dit-il.
Selon O’Connor, le gouvernement britannique pense que ce qui se passe en Tunisie est «un phénomène positif». Pour deux raisons :
1- la Tunisie a plus de chances de réussir sa transition que les pays qui traversent une conjoncture similaire. Ce qui veut dire, pour les Britanniques, que la Tunisie peut servir de «modèle de transition», c’est-à-dire de «produire un gouvernement qui représente le peuple et respecte sa volonté et ses aspirations»;
2- les relations bilatérales (tuniso-britanniques) sont «meilleures». O’Connor a dit qu’on ne sentait pas «warm» (ndlr: chaud, confortable) avec l’ancien régime alors que maintenant, on constate plus de «valeurs partagés qui nous incitent à travailler pour des intérêts partagés dans le futur».

Les défis du moment
Les changements dans la région arabo-musulmane interviennent dans une situation économique «extrêmement difficile» en Europe et en Grande Bretagne, souligne Christopher O’Connor et ceci «pourrait freiner notre soutien à la transition en Tunisie».
La réponse (britannique) à cette réalité consiste en trois grands axes:
1- le G8, dont l’apport est principalement véhiculé par les institutions financières internationales. Lequel apport est basé sur des crédits et un soutien à la bonne gouvernance. Cependant, les solutions du G8 «doivent émaner des Tunisiens eux-mêmes et pas imposées par les dirigeants des pays donateurs», souligne l’ambassadeur de Grande Bretagne;
2- l’Union européenne, dont la contribution «la plus réaliste» est d’ouvrir davantage ses marchés aux produits tunisiens aussi bien agricoles que des services.
Du temps de l’ancien régime tunisien, l’Europe n’était pas motivée à traiter du Statut avancé. Pour les raisons connues. Mais la Tunisie d’aujourd’hui peut rendre le débat sur ce Statut «plus concret et plus sérieux»;  
3- l’engagement bilatéral. Pour O’Connor, la conjoncture actuelle rend difficile de convaincre le contribuable (tax-payer) britannique est de plus en plus «réticent à payer» pour des aventures extérieures.
Malgré ce facteur, précise-t-il, «nous avons pu avoir un budget» pour financer le processus démocratique en Tunisie, à travers un soutien à l’Isie et à la réforme des médias, une aide à l’éducation civique, à la justice de transition et à l’employabilité (un programme pour l’enseignement de l’anglais).

La nouvelle donne des échanges commerciaux
Le renforcement des rapports commerciaux est un axe aussi important pour les Britanniques. Auparavant, disent-ils, il existait trois grands obstacles au développement commercial.
Il s’agit, d’abord, du manque de visibilité. Les Britanniques ne voyaient en la Tunisie qu’une destination touristique. Aujourd’hui, elle est de plus en plus vue comme «terre d’investissement».
Second obstacle: la corruption. Les sociétés britanniques qui ne parviennent pas à décrocher des contrats en Tunisie se décourageaient et décourageaient plein d’autres. «Les choses semblent changer», pense Christopher O’Connor.
Les investisseurs n’aiment pas l’incertitude, qui est le troisième obstacle. O’Connor dit que «le risque va disparaître avec l’avancement du processus démocratique» et affirme que les services de son ambassade reçoivent de plus en plus de demandes de conseils et d’information de la part du secteur privé britannique. «C’est notre devoir à tous d’informer ces sociétés et de les convaincre (de venir investir)», a-t-il lancé aux membres de la Tbcc et des hommes d’affaires tunisiens.
Pour attirer les investisseurs et les sociétés britanniques, deux «jobs» (tâches) doivent être accomplis, selon O’Connor: miser sur la nouvelle visibilité (quels sont les «plus» que la Tunisie offre) et comment contribuer à modeler un débat sur l’avenir de l’investissement en Tunisie.
Cette dernière tâche incombe aux Tunisiens et la Tbcc doit y jouer un certain rôle, estiment les Britanniques.