«Vous voulez réussir! Allez donc vous inscrire aux bureaux de vote. Si la Tunisie réussit, tous les pays d’Afrique suivront. N’oubliez pas que vous êtes les déclencheurs du changement et que l’Afrique a tiré son non de l’Ifriqiya», a déclaré Mo Ibrahim.


C’est avec ces propos que le fondateur (et président) de la Mo Ibrahim Foundation a terminé son point de presse, vendredi, au siège du premier ministère, à la Kasbah, sur les hauteurs de Tunis.
Un peu avant, il était en rendez-vous avec le Premier ministre Béji Caïd Essebsi, qui lui a donné un aperçu sur la situation sociale, économique et politique dans le pays post révolution.
Pour son séjour de trois jours en Tunisie, Mo Ibrahim n’est pas venu seul, mais accompagné de sa fille et de deux membres de sa fondation et sur son agenda, il a prévu des rencontres avec quelques associations.

La révolution n’est pas finie
En ce qui concerne son forum annuel, ça y est! Il a décidé de l’organiser en grandes pompes, les 11 et 12 novembre, à Tunis. «C’est pour féliciter les jeunes de Tunisie qui sont les premiers à l’avoir fait en Afrique. Nous allons venir 400 ou 500 personnes pour fêter la révolution. Il y aura un concert animé par des artistes tunisiens de renom aux côtés de quelques stars africaines. Nous pensons notamment à Youssou Ndour et Angélique Kidjo», a-t-il annoncé.
Après qu’il ne s’est présenté, l’économiste britannique d’origine soudanaise a fait, en une vingtaine de minutes, le tour de la situation en Tunisie. Il l’a qualifiée de très fragile. Pire: selon lui, le pays pourrait à tout moment basculer si les citoyens ne se prennent pas à temps. M. Ibrahim a, certes, exprimé sa fierté pour ce qu’ont fait les jeunes Tunisiens, mais il n’a pas, non plus, caché sa crainte, d’un éventuel retour à la case départ. Selon lui, la révolution n’est pas finie. «Vous avez pu éradiquer le mal, une dictature de 23 ans et je vous félicite. Maintenant, vous êtes tenus de continuer dans le bon sens. Pour la démocratie, rien ne vaut un vote dans la transparence et sans aucun trucage. C’est votre chance, saisissez-là tant qu’il est temps», a-t-il prévenu. Et d’ajouter que tous les regards des peuples africains sont braqués sur la Tunisie. «Vous êtes leur exemple et je les comprends, car moi-même, je suis comme vous Africain. Comme vous le savez l’Afrique est le 2ème au monde de par sa superficie. Grâce à ses ressources naturelles – alors qu’il n’est peuplé que de 900 millions âmes –, le continent n’a pas à être pauvre, à avoir faim, et nos enfants n’ont pas à mourir en mer. La société civile a plus que jamais du boulot», a-t-il lancé sur un ton ferme mais confiant.

Un travail sur soi s’impose
M. Ibrahim a rappelé que les peuples d’Afrique ont déjà perdu 50 ans et qu’ils doivent bouger. «Un demi siècle de pillage, de dictature, de pouvoir familial, assez ! Nous devons faire un travail sur nous-mêmes, nous regarder dans le miroir, nous pencher sur nos problèmes. Car si on est dans cet état de pauvreté, c’est parce que le problème est en nous. Notre problème n’est pas l’autre», a-t-il déclaré. L’autre problème, selon le président de Mo Ibrahim Foundation, n’est ni  l’Américain ni  le sioniste ou autres, et il n’y a pas eu complot contre les Africains, comme le prétendent certains. La faute revient, selon lui, au gens obsédés par le pouvoir. Ils préfèrent posséder que gouverner et au lieu de construire l’infrastructure de l’Etat moderne, ils se construisent des châteaux.
«Gouverner, c’est se baser sur des textes et des lois et pas gouverner avec la police, l’armée et  la force. La justice doit intervenir et doit faire son travail avec impartialité. Un ministre ou un simple citoyen doivent être traités de la même manière lorsqu’ils sont en faute», a rappelé l’hôte de Tunis. 
En quelques mots, Mo Ibrahim a passé en revue les clefs de la prospérité. Selon lui, il y a des critères. «Pourquoi des citoyens n’ont pas chez eux de l’électricité et de l’eau potable?», se demande-il. Il faut de la bonne gouvernance et un budget pour le bien-être. «Le développement c’est l’éducation, la santé, la vaccination des enfants, l’Etat de droit et des entreprises, l’élection de celui qui va avoir les commandes pour une période de 4 ou 5 ans et qui doit disposer après cette période et ne pas rester à l’éternité», a-t-il dit. Et d’égrener les mots liberté, démocratie et transparence comme les perles d’un chapelet.

Femmes d’Afrique, je vous aime...
Lorsque M. Ibrahim est arrivé au dossier des femmes, il a pris son courage des deux mains pour lancer aux hommes que l’Afrique repose sur les femmes et non pas sur eux. «La femme doit profiter de tous ses droits. C’est elle le pilier de l’économie africaine. L’agriculture est la source principale du continent (70%). La femme pioche le sol, plante, sème, récolte, s’occupe de la terre et bûche à la maison. Elle s’occupe de chez elle, des enfants et l’homme dans tout ça! Il est absent. Pour tout ce qu’elle fait, on la prive de ses droits! C’est ça notre peuple d’Afrique !», a martelé l’économiste.


Mo Ibrahim à Tunis

Défenseur sans pair de droits de l’homme, il rouvre la plaie et évoque des sujets interdits dans le continent. Là, il crie au nombre impressionnant de viols dont personne ne parle. «Nous devons soulever en public ce problème. Il n’y a pas de tabous là-dessus ; ou bien, vous voulez que la presse étrangère s’en mêle, l’écrit et le crie sur tous les toits. C’est à nous d’en parler, à nous de corriger la société, de nous corriger. C’est ça le discours qu’il faut entretenir aujourd’hui. C’est celui du savoir et pas des paroles et de la poésie. Ici, c’est encore une fois, le rôle de la société civile. A elle de bouger, de faire bouger pour que l’on puisse nous corriger».
En évoquant la société civile, M. Ibrahim n’a pas oublié les médias. «Votre rôle est important. Je vous conseille d’être crédibles et de chercher la vérité et l’information juste et ne pas courir derrière le sensationnel».
Interrogé sur le flottement actuel de la politique tunisienne, le président de Mo Ibrahim Foudation a dit: «Pour ce qui est de votre gouvernement actuel, vous me dites qu’il n’est pas parfait, que vous ne lui faites pas confiance parce qu’il y a encore les symboles de l’ancien régime dans l’appareil, je vous comprends! Mais ce gouvernement est provisoire et il va céder bientôt les commandes à un autre gouvernement élu. C’est pour cette raison que je vous conseille de ne pas bouder les urnes. J’aurais bien aimé que notre héros à tous, Nelson Mandela, soit là. En sortant de prison, il a déclaré à ses compatriotes que ses tortionnaires étaient aussi les citoyens de l’Afrique du Sud et qu’il ne faut pas les exclure», a-t-il précisé, comme pour appeler les Tunisiens à tourner la page et à se réconcilier entre eux.

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Mo Ibrahim: «Les Tunisiens doivent montrer la voie aux Africains»

«Vous voulez réussir! Allez donc vous inscrire aux bureaux de vote. Si la Tunisie réussit, tous les pays d’Afrique suivront. N’oubliez pas que vous êtes les déclencheurs du changement et que l’Afrique a tiré son non de l’Ifriqiya», a déclaré Mo Ibrahim.

C’est avec ces propos que le fondateur (et président) de la Mo Ibrahim Foundation a terminé son point de presse, vendredi, au siège du premier ministère, à la Kasbah, sur les hauteurs de Tunis.

Un peu avant, il était en rendez-vous avec le Premier ministre Béji Caïd Essebsi, qui lui a donné un aperçu sur la situation sociale, économique et politique dans le pays post révolution.

Pour son séjour de trois jours en Tunisie, Mo Ibrahim n’est pas venu seul, mais accompagné de sa fille et de deux membres de sa fondation et sur son agenda, il a prévu des rencontres avec quelques associations.

La révolution n’est pas finie

En ce qui concerne son forum annuel, ça y est! Il a décidé de l’organiser en grandes pompes, les 11 et 12 novembre, à Tunis. «C’est pour féliciter les jeunes de Tunisie qui sont les premiers à l’avoir fait en Afrique. Nous allons venir 400 ou 500 personnes pour fêter la révolution. Il y aura un concert animé par des artistes tunisiens de renom aux côtés de quelques stars africaines. Nous pensons notamment à Youssou Ndour et Angélique Kidjo», a-t-il annoncé.

Après qu’il ne s’est présenté, l’économiste britannique d’origine soudanaise a fait, en une vingtaine de minutes, le tour de la situation en Tunisie. Il l’a qualifiée de très fragile. Pire: selon lui, le pays pourrait à tout moment basculer si les citoyens ne se prennent pas à temps. M. Ibrahim a, certes, exprimé sa fierté pour ce qu’ont fait les jeunes Tunisiens, mais il n’a pas, non plus, caché sa crainte, d’un éventuel retour à la case départ. Selon lui, la révolution n’est pas finie. «Vous avez pu éradiquer le mal, une dictature de 23 ans et je vous félicite. Maintenant, vous êtes tenus de continuer dans le bon sens. Pour la démocratie, rien ne vaut un vote dans la transparence et sans aucun trucage. C’est votre chance, saisissez-là tant qu’il est temps», a-t-il prévenu. Et d’ajouter que tous les regards des peuples africains sont braqués sur la Tunisie. «Vous êtes leur exemple et je les comprends, car moi-même, je suis comme vous Africain. Comme vous le savez l’Afrique est le 2ème au monde de par sa superficie. Grâce à ses ressources naturelles – alors qu’il n’est peuplé que de 900 millions âmes –, le continent n’a pas à être pauvre, à avoir faim, et nos enfants n’ont pas à mourir en mer. La société civile a plus que jamais du boulot», a-t-il lancé sur un ton ferme mais confiant.

Un travail sur soi s’impose

M. Ibrahim a rappelé que les peuples d’Afrique ont déjà perdu 50 ans et qu’ils doivent bouger. «Un demi siècle de pillage, de dictature, de pouvoir familial, assez ! Nous devons faire un travail sur nous-mêmes, nous regarder dans le miroir, nous pencher sur nos problèmes. Car si on est dans cet état de pauvreté, c’est parce que le problème est en nous. Notre problème n’est pas l’autre», a-t-il déclaré. L’autre problème, selon le président de Mo Ibrahim Foundation, n’est ni  l’Américain ni  le sioniste ou autres, et il n’y a pas eu complot contre les Africains, comme le prétendent certains. La faute revient, selon lui, au gens obsédés par le pouvoir. Ils préfèrent posséder que gouverner et au lieu de construire l’infrastructure de l’Etat moderne, ils se construisent des châteaux.

«Gouverner, c’est se baser sur des textes et des lois et pas gouverner avec la police, l’armée et  la force. La justice doit intervenir et doit faire son travail avec impartialité. Un ministre ou un simple citoyen doivent être traités de la même manière lorsqu’ils sont en faute», a rappelé l’hôte de Tunis.

En quelques mots, Mo Ibrahim a passé en revue les clefs de la prospérité. Selon lui, il y a des critères. «Pourquoi des citoyens n’ont pas chez eux de l’électricité et de l’eau potable?», se demande-il. Il faut de la bonne gouvernance et un budget pour le bien-être. «Le développement c’est l’éducation, la santé, la vaccination des enfants, l’Etat de droit et des entreprises, l’élection de celui qui va avoir les commandes pour une période de 4 ou 5 ans et qui doit disposer après cette période et ne pas rester à l’éternité», a-t-il dit. Et d’égrener les mots liberté, démocratie et transparence comme les perles d’un chapelet.

Femmes d’Afrique, je vous aime...

Lorsque M. Ibrahim est arrivé au dossier des femmes, il a pris son courage des deux mains pour lancer aux hommes que l’Afrique repose sur les femmes et non pas sur eux. «La femme doit profiter de tous ses droits. C’est elle le pilier de l’économie africaine. L’agriculture est la source principale du continent (70%). La femme pioche le sol, plante, sème, récolte, s’occupe de la terre et bûche à la maison. Elle s’occupe de chez elle, des enfants et l’homme dans tout ça! Il est absent. Pour tout ce qu’elle fait, on la prive de ses droits! C’est ça notre peuple d’Afrique !», a martelé l’économiste. Défenseur sans pair de droits de l’homme, il rouvre la plaie et évoque des sujets interdits dans le continent. Là, il crie au nombre impressionnant de viols dont personne ne parle. «Nous devons soulever en public ce problème. Il n’y a pas de tabous là-dessus ; ou bien, vous voulez que la presse étrangère s’en mêle, l’écrit et le crie sur tous les toits. C’est à nous d’en parler, à nous de corriger la société, de nous corriger. C’est ça le discours qu’il faut entretenir aujourd’hui. C’est celui du savoir et pas des paroles et de la poésie. Ici, c’est encore une fois, le rôle de la société civile. A elle de bouger, de faire bouger pour que l’on puisse nous corriger».

En évoquant la société civile, M. Ibrahim n’a pas oublié les médias. «Votre rôle est important. Je vous conseille d’être crédibles et de chercher la vérité et l’information juste et ne pas courir derrière le sensationnel».

Interrogé sur le flottement actuel de la politique tunisienne, le président de Mo Ibrahim Foudation a dit: «Pour ce qui est de votre gouvernement actuel, vous me dites qu’il n’est pas parfait, que vous ne lui faites pas confiance parce qu’il y a encore les symboles de l’ancien régime dans l’appareil, je vous comprends! Mais ce gouvernement est provisoire et il va céder bientôt les commandes à un autre gouvernement élu. C’est pour cette raison que je vous conseille de ne pas bouder les urnes. J’aurais bien aimé que notre héros à tous, Nelson Mandela, soit là. En sortant de prison, il a déclaré à ses compatriotes que ses tortionnaires étaient aussi les citoyens de l’Afrique du Sud et qu’il ne faut pas les exclure», a-t-il précisé, comme pour appeler les Tunisiens à tourner la page et à se réconcilier entre eux.