Le Parti des ouvriers communiste tunisien (Poct), qui réunit son congrès du 22 au 24 juillet à Tunis, n’écarte pas la possibilité de changer de nom, et de se débarrasser de l’étiquette communiste.
Par Ridha Kéfi


Cette possibilité a été, en tout cas, examinée au cours de la seconde journée des travaux du congrès. Le porte-parole officiel du parti, Hamma Hammami, a précisé, dans une déclaration à l’agence Tap, que ce changement concerne le terme «communiste» en raison des préjugés à ce propos dans la rue tunisienne, ajoutant cependant que «rien n’est définitif» sur cette question, encore discutée par les congressistes.

Le triomphe de l’économie de marché
Concernant ce projet de changement du nom du parti, les analyses des participants se veulent à la fois réalistes et pragmatiques. Le communisme historique est mort avec la chute du mur de Berlin en 1989. Depuis cette date, l’économie de marché et le libéralisme économique en général ont fini par dominer le monde. Un pays de vieille tradition communiste comme la Chine a fini par se mettre à l’heure de la mondialisation des marchés et de la globalisation des flux financiers. Finalement, le communisme continue de survivre, difficilement, dans deux pays: la Corée du Nord et Cuba, qui sont – ceci explique-t-il cela ? –parmi les plus pauvres et les plus despotiques au monde.
Face à ces évolutions, continuer de se réclamer du communisme, avec son héritage de totalitarisme et d’incurie économique, pourrait s’avérer suicidaire pour un parti comme le Poct.
Ce mouvement, dont la contribution à la lutte contre les dictatures de Bourguiba et de Ben Ali n’est pas le moindre de ses mérites a donc de bonnes raisons de vouloir ainsi se distinguer du communisme et de se présenter désormais comme un parti à dimension socialiste et altermondialiste. Sa place sur la scène tunisienne est d’autant plus assurée que le pays, qui a fait le choix de la libéralisation économique, a besoin de correctifs, notamment sociaux.

Un nouveau rôle pour le Poct
La révolution a montré que le libéralisme tout azimut, adopté définitivement par la Tunisie dans les années 1990, avec la signature d’un accord d’association avec l’Union européenne portant création d’une zone de libre échange et l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, s’est finalement traduit par un creusement des écarts entre les couches sociales et entre les régions. Un parti comme le Poct, très proche de la classe ouvrière et des couches défavorisés et très bien implanté dans les régions intérieures, pourrait aider, par son appoint critique et sa force de proposition, à corriger les abus et les déviances d’une économie trop libérée des garde-fous de l’intérêt public et de la justice sociale.
Le changement de dénomination du parti devrait aussi tenir compte de la mutation actuelle du parti d’un mouvement de contestation politique, longtemps confiné dans l’action clandestine – pour éviter les procès et les condamnations à la prison –, à une formation dotée d’une grande capacité de mobilisation populaire et, mieux encore, à une force de proposition dont les points de vue vont désormais peser sur les choix nationaux.