La représentation tunisienne auprès de l’Onu a refusé d’apporter le soutien officiel requis pour la réussite d’une action de portée politique, économique et humanitaire. Deux activistes tunisiens en ont fait l’amère expérience.
Wided Ben Ayoub, oncologue et expert international en traitement de tabagisme, et Marouane Belkahla, étudiant en médecine, se sont rendus à New York du 18 au 20 juin dernier où ils étaient invités en tant qu’ambassadeurs représentant la Tunisie pour promouvoir la lutte contre les maladies non transmissibles dont le cancer. Une action basée sur un plaidoyer auprès de la mission tunisienne aux Nations-Unies.
Rentrés de New York bredouille
Malgré l’importance de cette action aussi bien pour le bien-être des Tunisiens que pour la réputation de la Tunisie comme pays œuvrant pour la lutte contre le cancer, les deux activistes tunisiens sont rentrés de New York bredouille.
Dr. Ben Ayoub, du département d’oncologie à l’Institut Salah Azaiez de Tunis, raconte à Kapitalis qu’elle a sollicité, à travers son Association tunisienne de lutte contre le cancer (Atcc), le soutien et l’implication de la diplomatie tunisienne dans une action humanitaire et de santé d’extrême importance. Les «officiels» tunisiens à New York l’ont malheureusement séchée.
Sous prétexte que la mission tunisienne est rappelée en Tunisie, raconte Ben Ayoub, le consul Sahbi Khalfallah «a promis de nous mettre en contact avec la personne qui s’occupera du dossier de la Tunisie, mais je n’ai reçu aucune réponse à mes nombreux emails».
Des emails (dont nous avons eu des copies) dans lesquels Dr Ben Ayoub requiert l’appui (officiel) tunisien des recommandations élaborées par les Global Cancer Ambassadors à leurs missions de l’Onu.
L’activiste tunisienne a aussi écrit à Amira Dali, supposée responsable du dossier au sein de la mission tunisienne, mais n’a pas reçu, non plus, de réponse de sa part.
L’ambassadeur Ghazi Jomaa, qui était présent au même moment que Mme Ben Ayoub et M. Belkahla à la mission tunisienne à l’Onu, «nous a croisés dans le couloir de l’ambassade, mais il nous a même pas dit bonjour», ajoute Mme Ben Ayoub.
Tout mettre sur le «provisoire»
Le fait que nous sommes dans une période de transition politique explique-t-il ce ratage qui risque d’endommager les efforts pour la lutte contre le tabagisme et contre les maladies non-transmissibles en Tunisie et dont seuls les experts de la médecine et de la santé peuvent juger de la gravité? N’y avait-il personne, ou aucune partie, dans le gouvernement provisoire, sinon au ministère des Affaires étrangères et celui de la Santé publique, capable de se charger du dossier, au-delà de la qualité et la fonction des uns et des autres? Tout est-il permis sous le prétexte du «provisoire»?
Peut-on vraiment reprocher à la représentation tunisienne auprès des l’Onu ce manquement ou bien nos diplomate de New York sont eux-mêmes victimes du flou qui plane depuis janvier dans tous les secteurs de la vie en Tunisie, y compris donc la diplomatie?
Les autres décideront pour nous
Le plaidoyer auprès de la mission tunisienne aux Nations-Unies avait pour objectifs d’accélérer la mise en œuvre de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), ratifiée par la Tunisie en juin 2010, «pour un monde sans les méfaits du tabac d’ici à 2040» et de faciliter l’accès à des médicaments et des technologies abordables contre le cancer et autres maladies non-transmissibles. Il vise aussi à allouer des financements pour des programmes adéquats dans le diagnostic précoce du cancer du sein et le dépistage du cancer du col utérin et dans les soins palliatifs.
La visite de Mme Ben Ayoub et M. Belkahla s’incluait dans le cadre des préparatifs du sommet de l’Onu qui se tiendra à New York en septembre 2011 pour aboutir à un traité international concernant les mesures de lutte contre les maladies non-transmissibles.
Malheureusement, la société civile tunisienne ne prendra pas part à l’élaboration du Traité international sur les Mnt. Nous aurons ainsi à appliquer ce que les autres pays nous imposerons, à travers leurs Ong exerçant un lobbying orienté vers leurs propres intérêts.
Mme Ben Ayoub explique que plusieurs pays poussent vers l’application de la vaccination contre le Papillomavirus humain (HPV) pour toutes les adolescentes pour prévenir le cancer du col de l’utérus alors que chez nous, dit-elle, «les budgets de santé publique ne nous le permettent pas d’autant plus que le vaccin n’est pas très efficace et qu’un frottis cervico-vaginal suffira et à moindre coût».
Mourad Teyeb