Un juge de la Cour suprême américaine discute avec des juristes et des activistes tunisiens des priorités, exigences et orientations de la nouvelle constitution tunisienne. Par Sarah Marston & Timothy Lamoureux
Tenant un exemplaire en format de poche de la Constitution américaine, le juge de la Cour suprême américaine Stephen G. Breyer, 64 ans, a discuté des fondements de la démocratie américaine avec des doctorants et professeurs tunisiens, au cours d’une conférence organisée par l’association Almadanya, le 22 juillet, dans l’Amphithéâtre César à Yasmine-Hammamet, en Tunisie.
Garantir l’égalité des droits
«Je suis très heureux de contribuer à une cause qui sera bénéfiques à tous les juristes du monde», a déclaré le juge Breyer dans un français limpide à des professeurs d’université, des étudiants et des responsables d’Ong en Tunisie, où les citoyens espèrent de réformer le gouvernement et à faire promulguer une constitution démocratique garantissant l’égalité des droits.
Le juge Breyer a pu participer au dialogue sur la démocratie en Afrique à plus de 4.000 miles de là (6437 kilomètres), à l’Areeda Hall de la Harvard Law School. Sa participation à la vidéoconférence a été organisée sous les auspices du porte-parole américain et spécialiste du programme du Bureau International du Programme d’Informations (Iip) pour le Département d’Etat. Pii est l’un des deux bureaux du Département d’État responsable de la gestion et de l’administration des programmes de diplomatie des Etats-Unis.
La vidéoconférence a été retransmise en direct sur Internet via la page Facebook de l’IIP Co.Nx, et c’est la première fois qu’un juge de la Cour suprême américaine a pris part à un événement en direct via les médias sociaux.
«La montée des aspirations démocratiques en Tunisie a été un part importante du Printemps arabe», a déclaré Jasik John, du Département d’Etat. «La Tunisie fait partie des Etats hautement prioritaires pour le Département d’Etat et il est important que nos programmes de diplomatie publique encouragent le peuple tunisien à avancer pacifiquement vers une réforme démocratique.»
Le juge Breyer espère que sa discussion, entièrement en français pour faciliter les échanges et la compréhension des participants à la conférence, contribuerait au débat en Tunisie, où des représentants seront élus le 23 octobre pour élaborer la nouvelle constitution du pays.
Protéger la population contre l’arbitraire
Et quels sont les points clés de la Constitution américaine qui doivent inspirer les constituants tunisiens?
«Elle est concise, et va droit à l’essentiel; elle contient cinq parties importantes: la démocratie; la protection des droits humains; la séparation des pouvoirs, l’égalité et la primauté du droit», a déclaré Breyer. «La principale question est cependant la suivante: pourquoi les Américains la respectent-ils? Il nous a fallu 200 ans et beaucoup d’histoire pour l’établir, et c’est en partie parce que le processus de gouvernement aux États-Unis émane de la base, et n’est pas imposée par le sommet. Ce que nous essayons tous de faire c’est de développer des systèmes juridiques qui nous protègent contre les comportements arbitraires. C’est une lutte permanente... et je suis très heureux de voir que nous sommes tous, peuples tunisien et américain, dédiés à cette tâche. Je suis très heureux que nous puissions travailler ensemble», a ajouté le juge américain.
Protéger la minorité contre la majorité
Dans son intervention à la conférence, Breyer a souligné l’importance de garder une constitution à la fois concise et abstraite. Dans la mesure où les valeurs d’un pays sont temporaires, la constitution doit permettre au pays d’adopter de nouvelles règles conformes aux valeurs contemporaines. «Il est donc de la responsabilité des chercheurs et juristes tunisiens d’interpréter et de comprendre la constitution qu’ils élaborent», a-t-il dit. Il a ajouté que les juges de la Cour suprême américaine doivent souvent prendre des décisions impopulaires, qui aident à protéger la minorité contre la majorité.
Breyer a dit aussi aux participants à la conférence que le combat pour la liberté doit se poursuivre et qu’il exige de la persévérance. Il a cité, comme exemple, le président américain Andrew Jackson, qui avait envoyé des troupes américaines pour chasser les Amérindiens de leurs terres, alors qu’environ 100 ans plus tard, une autre président, Dwight Eisenhower, a envoyé des troupes pour protéger les enfants noirs après l’abrogation de la ségrégation raciale dans les établissements scolaires.
«La chose la plus importante, c’est d’avoir une population éduquée», a conclu Breyer, qui a exhorté les chercheurs tunisiens à éduquer leurs concitoyens sur les valeurs de civisme, de liberté et de lutte contre la tyrannie.
Traduit de l’anglais américain par Imed Bahri
Source: ‘‘Harvard Law School’’.