Dans son bras de fer avec l’Ugtt, le fondateur de l’Union des travailleurs de Tunisie (Utt) prend en otage tous les usagers des transports publics. Une stratégie de pourrissement dont il pourrait payer les frais…


D’abord, les faits: les agents de la Société des transports de Tunis (Transtu) envisagent d’observer une nouvelle grève, dans les prochains jours, au cas où le ministère du Transport et la Transtu ne donnent pas une suite favorable aux revendications de… l’Utt.

Des revendications irréalistes
Lors d’une conférence de presse, mercredi à Tunis, Hassen Kanzari, secrétaire général adjoint de ce syndicat, créé en mai dernier par un ancien dirigeant de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Ismaïl Sahbani, a indiqué que la grève organisée, mardi, par les agents de la Transtu, a été déclenchée suite à «l’indifférence manifestée par les ministères du Transport et des Affaires sociales et la Transtu à l’égard de leurs revendications». Très satisfait, M. Kanzari a affirmé que le taux de participation à cette grève a atteint 90% sur les deux réseaux, ferroviaire et bus.
Tout en affirmant que l’organisation de grèves est un droit syndical garanti et que les grévistes n’ont pas empêché leurs collègues de travailler, M. Kanzari a souligné que les revendications de ces agents consistent en l’ajustement des heures de travail supplémentaires, l’octroi des grades sur la base de critères objectifs et la promotion automatique des agents ayant exercé au sein de la Transtu depuis plus de 15 ans, ainsi que la gratuité du transport interurbain.
Le leader syndical n’est pas sans savoir que la satisfaction de toutes ces revendications se traduirait par le dépôt de bilan de la société, qui traîne des dettes – notamment pour la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) et la Société nationale de distribution des pétroles (Sndt) – s’élevant à plusieurs centaines de millions de dinars.

Combat de coqs… syndicalistes  
Pourquoi donc ce bras de fer et pourquoi maintenant? Que cherche Ismaïl Sahbani, ex-secrétaire général de l’Ugtt, à travers cette stratégie de pourrissement, sinon à narguer la direction de l’Ugtt, et particulièrement Abdessalem Jerad, son secrétaire général actuel, ancien employé de la Société nationale de transport (Snt), ancêtre de la Transtu?
Ce combat de chef aurait peut-être eu un sens en d’autres circonstances. Mais dans la situation actuelle de la Tunisie, marquée par l’instabilité politique et la récession économique, il traduit un manque de maturité politique et une certaine irresponsabilité.
M. Sahbani, qui avait longtemps dévoyé l’action syndicale, vidant l’Ugtt de tous ses cadres intègres et la mettant au service de la dictature de Ben Ali, avant de s’en voir éjecté lui-même, ne va pas devenir aujourd’hui, en deux temps trois mouvements, un grand dirigeant de la classe ouvrière, en alimentant la grogne sociale et en prenant le contrôle du syndicat de la Transtu.
Le passé de M. Sahbani, tout en compromissions et en casseroles, devrait plutôt le dissuader de s’exposer ainsi. Les Tunisiens, qui ne se sont pas encore remis des galères qu’ils ont vécues, mardi dernier, à cause de la grève des transports, ne lui pardonneront pas cette entrée fracassante sur la scène syndicale. Gare donc au retour de manivelle !

Imed Bahri