Les Tunisiens doivent avoir «le sentiment qu’ils ont participé à la rédaction de leur constitution», a souligné le juge Stephen Breyer, de la Cour suprême des Etats-Unis à un panel de juristes réunis à Hammamet. Par Phillip Kurata
Il est essentiel que la prochaine constitution tunisienne recueille l’adhésion du peuple tunisien: tel est le conseil que le juge Stephen Breyer, de la Cour suprême, a donné à un groupe de spécialistes du droit constitutionnel réunis à Tunis le 22 juillet et avec lesquels il communiquait depuis l'université Harvard à Boston grâce à une communication par satellite.
L’appui du peuple
«Le résultat de vos efforts doit être tunisien parce qu’il faut avoir l’appui du peuple de la Tunisie», a insisté le juriste américain, qui s’exprimait en français.
Le juge Breyer a souligné l’importance qu’il y avait de solliciter les vues de «tous les éléments de la société civile» parce que les Tunisiens doivent avoir «le sentiment qu’ils ont participé à la rédaction de leur constitution».
Le juge Stephen Breyer
Il a pris l’exemple de Kemal Ataturk, le fondateur de la Turquie moderne, qui avait fait des recherches poussées sur toutes les formes que pouvait revêtir un gouvernement constitutionnel avant d’adopter une constitution de nature à répondre aux besoins de la Turquie. Deux professeurs turcs spécialistes du droit constitutionnel participaient d’ailleurs à la conférence-débat organisée à Tunis et qui était transmise dans le cadre d’une vidéoconférence numérique parrainée par la toute jeune association Almadanya et le Bureau des programmes d’information internationale du département d’État.
Les cinq points capitaux
M. Breyer a cité cinq points d’une importance capitale pour la prochaine constitution tunisienne. Elle devra :
1. établir un État de droit et qui «protège contre l’arbitraire» ;
2. créer «une institution démocratique pour traduire la volonté des peuples en lois» ;
3. protéger «les droits fondamentaux et les libertés fondamentales des hommes et des femmes» ;
4. garantir l’égalité, y compris l’absence «de discrimination raciale et de discrimination entre femmes et hommes» ;
5. assurer la séparation des pouvoirs de l’exécutif, du législatif et du judiciaire.
Se concentrer sur les principes généraux
À cet égard, M. Breyer s’est dit opposé au principe de l’élection des juges parce que les juges élus risquent de se laisser influencer par les individus qui financent leur campagne électorale. Il lui paraît donc préférable que les juges soient nommés à leur poste car ils jouissent ainsi d’une plus grande indépendance. Un juge peut être amené à prendre des décisions qui fâchent quand elles protègent des individus impopulaires, a fait remarquer le magistrat.
Par ailleurs, il a exprimé l’avis que la prochaine constitution tunisienne gagnerait à énoncer des principes généraux et à se garder des formules précises. Alors que les concepts constitutionnels de l’égalité, de la liberté et d’une procédure régulière sont des principes généraux et immuables, a-t-il expliqué, les circonstances qui prévalent dans la société changent au fil du temps. C’est à la Cour suprême qu’il incombe d’interpréter les principes généraux et de les appliquer en fonction des circonstances, a déclaré M. Breyer.
Source : Iip Digital.
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