Pour exister, Ahmed Inoubli, secrétaire général de l’Udu, hier encore allié et obligé du dictateur Ben Ali, dénonce l’impérialisme… qatari. Le ridicule, on le sait, ne tue pas.
L’information, relayée par l’agence Upi, fait des gorges chaudes dans les réseaux sociaux: des Tunisiens auraient empêché un bateau battant pavillon qatari de faire débarquer un chargement d’armes et d’équipements militaires à destination des insurgés libyens.
Un «bateau transportant une charge douteuse»
L’agence cite le secrétaire général du Mouvement du 14 janvier pour la libération Mouldi Dakhli, joint par téléphone samedi à Zarzis, qui affirme qu’une trentaine de personnes (une vraie foule !) se sont rassemblées au port de Zarzis pour empêcher un bateau qatari de faire débarquer sa cargaison d’armes et équipements militaires destinés aux révolutionnaires libyens. M. Dakhli, qui n’a visiblement pas vu les armes ni les équipements militaires dont il parle, se contente d’évoquer un «bateau transportant une charge douteuse».
Que les militaires tunisiens, présents au port, soient intervenus pour disperser les manifestants et leur expliquer que la zone est déclarée militaire ne suffit pas, par ailleurs, pour corroborer la thèse d’un débarquement d’armes qataries destinées aux insurgés libyens.
M. Dakhli affirme que cette réaction des militaires tunisiens a suscité davantage de soupçons chez les habitants qui ont décidé de s’organiser pour couper les routes et empêcher que les armes ne parviennent jusqu’en Libye.
Reste que tout ce mouvement de protestation est fondé sur une simple supputation et que personne, à ce jour, n’a apporté la preuve d’un quelconque mouvement de transfert d’armes, qataries ou autres, à la Libye via le territoire tunisien.
Le faux combat des vrais imposteurs
Ce que l’on sait, en revanche, c’est que la Tunisie garde de bonnes relations avec les deux parties en conflit en Libye. Officiellement, comme officieusement, la Tunisie essaie de ne pas insulter l’avenir et de maintenir une position de neutralité dans ce conflit. En témoigne les contacts permanents entre les responsables tunisiens et leurs homologues libyens, notamment le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdelaâti Obeidi, qui a séjourné jeudi et vendredi en Tunisie.
La vraie fausse information concernant une intrusion qatarie dans le conflit libyen via la Tunisie a été colportée par Ahmed Inoubli, secrétaire général du l’Union démocratique unioniste (Udu), un parti nationaliste arabe connu pour ses relations privilégiées avec le régime de Kadhafi.
M. Inoubli, grand adorateur des dictateurs devant l’Eternel – il était très proche de Ben Ali et en harmonie totale avec son système despotique –, ne voit pas d’un bon œil l’instauration de la démocratie en Tunisie et en Libye. Dans un communiqué, diffusé la semaine dernière, il a affirmé que le gouvernement provisoire dirigé par Béji Caïd Essebsi a transformé la région de Tataouine frontalière avec la Libye en une «zone militaire qatarie» (sic!). M. Inoubli est allé plus loin en affirmant que le gouvernement Caïd Essebsi participe à un complot ourdi par le Qatar, les Emirats arabes unis et d'autres gouvernements arabes inféodés aux puissances occidentales, visant à transformer Tataouine en une zone militaire qatarie». Le secrétaire général de l'Udu (pas encore dégagé!), qui, sous Ben Ali, n'aurait pas osé élever la voix contre un simple "moatamad" (délégué), se paye aujourd'hui le luxe de s'attaquer au Premier ministre par intérim en personne. Quel courage! Et quelle imposture surtout lorsqu'il appelle «le peuple tunisien à agir pour nettoyer les régions tunisiennes de Dhehiba et Remada de toute présence militaire qatarie, qui salit la terre des martyrs de la bataille de Remada contre l'occupation française, afin que l'histoire ne retienne pas qu'il s'est associé, par son silence, au massacre du peuple libyen frère.» (sic!) M. Inoubli aurait bien pu, tant qu'il y est, appeler ses compatriotes à voler au secours du dictateur libyen. De sa part, cela ne nous aurait pas choqués outre mesure.
Ayant perdu toute crédibilité, pour avoir soutenu Ben Ali jusqu’au bout, et à court de combat pour redorer son blason, M. Inoubli vient donc d'enfourcher le cheval de la lutte contre l’invasion étrangère et la défense de la souveraineté nationale. L’opinion étant très réceptive à cet argument populiste, M. Inoubli et certains autres dirigeants de mouvements nationalistes arabes attardés essayent de faire feu de tout bois en prenant l’avant-garde de la défense des régimes criminels de Kadhafi en Libye et d’Assad en Syrie. Mais la ficelle est trop grosse… Et les Tunisiens ne vont pas se faire rouler, une nouvelle fois, dans cette farine là… Dont le délai de consommation est largement dépassé.
Imed Bahri