Des négociations ont-elles eu lieu en Tunisie entre les pros Kadhafi d’un côté et les insurgés de l’autre? La réponse est à la fois: oui et non.
Par Zohra Abid


«Oui. Mais pas des officiels. Après le retrait de plusieurs proches de Kadhafi et les exploits des rebelles, des personnalités cherchent à se rassurer quant à leur avenir. Une chose est sûre, Tripoli sera libéré dans les jours qui viennent et nous sommes en train de préparer l’après-Kadhafi», a déclaré le Libyen Wahid Borchène, président l’Association nationale libyenne et membre du Conseil national de transition (Cnt) de la ville Ghariane.

 

Impossible de convaincre Kadhafi de partir
M. Borchène, qui parlait mercredi, lors d’une rencontre avec les médias, à Tunis, affirme que l’information relative aux négociations qui se tiendraient en Tunisie entre les deux parties belligérantes, est en partie vraie. Mais il ne s’agit pas exactement de négociations. «Lors de son dernier mot télévisé, Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (Cnt) libyen a été ferme et tranchant: pas de négociation avec Mouammar Kadhafi qui cherche à gagner du temps», a lancé M. Borchène, qui n’a pas exclu la présence de personnalités libyennes sur le sol tunisien pour négocier de l’avenir son pays après Kadhafi. «Ce sont des rencontres informelles», a-t-il tenu à préciser.   
«Nous avons dit à ces personnalités, si elles veulent vraiment se détacher de Kadhafi, c’est le moment. Si ce n’est pas maintenant, on ne leur garantira rien. Et ça va être trop tard pour eux», a-t-il dit. Ces personnalités avaient essayé de convaincre Kadhafi de partir avec sa famille. «Mais ils n’ont jamais pu le convaincre. Kadhafi ne partira pas de Libye. Il est obstiné et il y restera jusqu’au bout», a précisé M. Borchène.
Après avoir expliqué la stratégie militaire des rebelles pour libérer plusieurs villes, M. Borchène a rendu publics les derniers exploits des «thouar» (rebelles) qui ont été bien entraînés par des professionnels de l’armée et ont pu poser aux hommes du régime des pièges sur les montagnes qu’ils connaissent bien. «Cette révolution a commencé pacifiste. Nous sommes un peuple modéré, tolérant et ouvert», a-t-il tenu signaler. C’était une façon de répondre à ceux qui accusent les «thouar» d’être des éléments jihadistes venus d’Irak et d’Afghanistan.

Des Algériens dans le cercle de Kadhafi?
Interrogé sur les rumeurs concernant les armes venant de l’Algérie en Libye, M. Borchène a dit que le gouvernement algérien a toujours démenti. «Mais une chose est sûre, il y a de hauts gradés de l’armée algérienne qui sont impliqués dans cette affaire», a-t-il répondu.
A propos des Algériens mercenaires actuellement à Bab Laâzizia de Tripoli, M. Borchène a dit qu’il est vrai qu’à Tripoli, il y a une unité de sécurité populaire constituée de mercenaires venant de plusieurs pays. Il s’agit d’une unité féroce qui tire sur tout ce qui bouge. Il se peut que des Algériens soient de cette unité, mais je ne peux pas l’affirmer».
Selon le conférencier, il y a, aujourd’hui, une pression de tous les côtés sur la capitale, qui est encerclée par les «thouar». «Nous n’avons pas peur, non plus, de la propagande des médias de Kadhafi qui sont les porte-paroles d’une personne qui ne sait plus où elle va. Déjà, l’électricité est souvent interrompue à Tripoli et les Libyens ne suivent plus ce que diffusent la télévision officielle», a-t-il expliqué, tout en insistant sur un seul objectif : la libération de Tripoli avec les moindres dégâts. «Nous voulons éviter le bain de sang voulu par Kadhafi qui est en train d’isoler la capitale et la prendre en otage», a-t-il lancé.

Votre avenir est le nôtre et vice-versa
A propos de l’assassinat d’Abdelfattah Younès, M. Borchène a déclaré que l’enquête se poursuit et qu’il n’est pas question de laisser impunis ceux qui ont commis ce crime. «Là-dessus, on est catégorique et la tribu des El Abidet a parfaitement raison de ne pas pardonner aux assassins. C’était odieux!», a-t-il dit, indigné.
M. Borchène n’a pas omis de rendre hommage aux Tunisiens. «Nous n’oublierons jamais ce qu’a fait la Tunisie pour nous. Votre avenir est le nôtre», a-t-il précisé avant d’annoncer que Mustapha Abdeljalil ne restera pas plus de huit mois après la libération de Libye. «Il va céder le pouvoir à des technocrates et experts de la Libye».
Combien a coûté jusque-là l’intervention de l’Otan à la Libye? Réponse de M. Borchène : «Il s’agit d’une décision internationale. Les opérations ont été menées par l’Onu afin d’aider la Libye à se débarrasser d’un dictateur». Et d’ajouter que la Libye sans Kadhafi sera une très bonne chose pour la région.