«Le peuple a contribué à l’amplification du phénomène de la corruption dans le pays», a déclaré Abdelfattah Amor, président de la Commission, d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation.


Bien qu’elle ait été qualifiée de «zallat lissan» (lapsus) par l’intéressé, cette déclaration, faite mercredi devant la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, n’a pas manqué de provoquer un tollé général chez les membres de cette instance,  qui l’ont considérée comme une offense à leur encontre et au peuple tunisien.
Ce fut là la seule fausse note de la séance, mais c’est elle qui a marqué les esprits et que les médias retiendront. Pour le reste, Me Amor n’a rien apporté de nouveau…

 

200 dossiers présentés à la justice sur 9.206 reçus  
Quelque 9.206 dossiers ont été présentés jusqu’à présent à la Commission d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation dont 3.920 ont été examinés. 200 ont été soumis à la Justice, dont plus la moitié concernent le président déchu et ses proches.
Abdelfattah Amor, président de la Commission, qui s’exprimait, mercredi, devant les membres de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique a indiqué que «la Tunisie vivait sous le joug d’un système de corruption et de malversation bien organisé» qui, a-t-il dit, «s’est consolidé progressivement et a exercé sa mainmise sur l’Etat et la société».
L’ancien régime, a-t-il expliqué, croyait que le pouvoir était une manne à partager entre le président et ses proches, ajoutant que la structure pyramidale du pouvoir a été fondée sur «le suivisme et non sur le questionnement», ce qui a conduit à la multiplication des foyers de corruption et de malversation dans toutes les structures de l’Etat et de la société.
Dans ce contexte, M. Amor a souligné la nécessité de mettre en place une stratégie cohérente pour démanteler le système de corruption et de réfléchir sur la création d’une instance permanente pour circonscrire la corruption conformément à la Convention des Nations-Unies de lutte contre la corruption et la malversation.
La plupart des intervenants ont dénoncé le black-out imposé sur les travaux de la commission ainsi que sur le rythme d’instruction des dossiers de corruption dans tous les domaines, s’interrogeant sur l’éventuelle existence de restrictions juridiques sur les informations autour des dossiers soumis à l’examen.
Dans ce sens, Me Mokhtar Trifi a souligné la nécessité d’apporter toutes les garanties nécessaires, afin d’assurer le déroulement de l’instruction des dossiers dans la neutralité et la transparence.
Pour sa part, Hayet Hamdi s’est interrogée sur les contours de la stratégie de communication adoptée par la commission avec l’actuel gouvernement de transition qui, selon elle, a opté pour la tergiversation et l’atermoiement dans le jugement des symboles de la corruption et la réalisation de la justice transitionnelle.

La liste noire des corrompus dans tous les domaines
De son côté, Moncef Yakoubi s’est interrogé sur la valeur des véritables pertes subies par l’économie tunisienne à cause de la corruption et de la malversation, dès lors que le cercle de la corruption a dépassé la famille du président déchu et ses proches, pour atteindre tous les rouages de l’Etat et les secteurs vitaux du pays.
Les membres de la Haute instance ont, par ailleurs, examiné l’idée d’établir une liste noire des corrompus dans les différents secteurs, comme ce fût le cas pour la magistrature, l’information et les avocats ainsi que le dossier de la privatisation de nombreuses entreprises publiques.
En réponse, Me Abdelfattah Amor a indiqué que bien qu’elle veille sur le respect de la confidentialité de ses travaux conformément aux textes de loi, la commission essaie, autant que possible, d’informer l’opinion publique sur l’évolution des dossiers de la corruption, rappelant, à ce propos, le calendrier établi concernant les dossiers à l'examen et ceux qui ont été communiqués aux médias.
M. Amor a expliqué que l’examen de ces affaires soumises par la commission au ministère public revient à la justice, faisant remarquer qu’à l’exception de l’affaire de l’aéroport Tunis-Carthage, toutes les autres affaires à l’examen sont étayées par des données fournies par la commission d’investigation.
L’orateur a évoqué les listes parvenues à la commission concernant des avocats et des magistrats proches de l’ancien régime, ainsi que la correspondance avec la présidence concernant le maintien en activité de certains magistrats ayant atteint l’âge légal de la retraite.
Chaque fois qu’elle prépare un dossier étayé de documents et de preuves, la commission le transmet à la Justice, a-t-il affirmé.
Au sujet du volume de la corruption financière et de son impact sur l’économie, Me Amor a expliqué qu’il est impossible d’évaluer précisément la valeur de la corruption, dès lors que cette tâche exige un travail approfondi.
Il a, à cet égard, annoncé que la commission va examiner cette question dans son rapport d’évaluation qu’elle va publier bientôt.

Kapitalis (avec Tap)