C’est la principale conclusion qui se dégage d’une enquête d’opinion réalisée par l’Institut de sondage et de traitement de l'information statistique (istis) pour l’agence Tap.


Ce sondage sur la perception du Tunisien de la situation politique et socioéconomique du pays a été effectué au cours de la période du 15 au 28 août auprès d'un échantillon de 2.717 personnes, sélectionnées selon la méthode des quotas par région, milieu, genre et âge. Ses résultats ont été présentés au cours d’une conférence de presse, samedi, à Tunis, et diffusés simultanément sur le réseau Twitter de Kapitalis. Il en ressort que l’incertitude sur perspectives politiques et socioéconomiques du pays persiste toujours. Une enquête similaire avait été effectuée en avril.
D’une manière générale, la situation actuelle du pays est jugée incompréhensible par 50,9% des sondés, 27,2% jugent qu’elle est normale après une révolution, 11,8% ne ressentent aucun changement et 10,1% la trouvent douteuse.

 

Les Tunisiens insatisfaits de leur gouvernement
Cependant, «les réponses semblent évoluer timidement vers une opinion positive même si globalement les trois quarts des Tunisiens pensent toujours que la situation du pays n’est pas claire et à la limite douteuse», estime l’Istis, avant de détailler les aspects sur lesquels se base cette interprétation.
Ainsi, on constate que plus de la moitié des personnes sondées (57%) se sont déclarés insatisfaits de la situation sécuritaire, taux demeuré inchangé par rapport à avril.
Concernant la situation économique, 61% des répondants se sont déclarés insatisfaits, en augmentation de 5 points par rapport à avril. Les résultats montrent aussi une détérioration du degré de satisfaction à l’égard du gouvernement. Le taux de satisfaction de la population vis-à-vis des performances du gouvernement est tombé de 31% en avril à 21% en août, soit une perte de 10 points en quatre mois. Mauvais signe pour l’équipe de Beji Caïd Essebsi.  
Les Tunisiens semblent aussi de plus en plus insatisfaits des revendications sociales qui se sont multipliées au cours des derniers mois. Les deux-tiers des personnes interrogées ont une opinion négative des revendications sociales. Une attitude qui s’est répercutée sur la perception des Tunisiens de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt). Presque les deux tiers des sondés se sont déclarés insatisfaits des performances de la centrale syndicale.

La désaffection vis-à-vis des partis
Le relatif rejet de l’opinion vis-à-vis du gouvernement provisoire et de la centrale ouvrière n’a d’égal que le désaveu de l’opinion à l’égard des partis. Seuls 7% des personnes interrogées se déclarent satisfaits des partis politiques. Le taux d’insatisfaction vis-à-vis des partis a d’ailleurs augmenté de 64% en avril à 70% en août 2011. Ce qui pose la question de la légitimité de ces coquilles vides que sont les partis tunisiens de parler au nom du peuple.
Cette perception de l’opinion se reflète sur la perception des risques pour l’avenir de la Tunisie. Le retour de l’insécurité est cité par 50% des personnes interrogées. La même proportion estime que le pays peut subir une crise économique et plus du tiers évoquent un risque d’échec du gouvernement provisoire à réaliser des élections équitables. Il en est de même concernant la mise en place d’un véritable système démocratique.
En tout cas, l’intérêt du Tunisien pour la politique semble s’effilocher. «Le pourcentage de ceux qui ne s’intéressaient pas à la politique dépassait 75% avant la révolution. Quelques mois après, cette proportion s’est limitée à 20%. Actuellement, elle se situe à 45,2% », remarque l’Istis.

Ennahdha, le Pdp, le Fdtl et les autres  
Il en est de même de l’intérêt porté pour les partis politiques. Le sondage montre que 56,9% des personnes interrogées déclarent «n’apprécier aucun parti politique». Le mouvement Ennahdha occupe cependant la première place en termes de notoriété, plus de 72% des Tunisiens déclarent spontanément le connaître, même de nom. Il est suivi du Parti communiste ouvrier tunisien (Poct) avec un taux de notoriété de 24,5%, du Parti démocratique progressiste (Pdp) avec 22,3% et du Forum démocratique pour les libertés et le travail (Fdtl) avec 20,5%.
Notoriété n’est cependant pas synonyme de préférence. «Les statistiques sur le degré de préférence s’éloignent du taux de notoriété, les Tunisiens déclarent préférer le mouvement Ennahdha à hauteur de 22,8% le positionnant à la première place des préférences, en seconde position se trouve le Pdp avec 8.7%, suivi du Fdtl avec 5,9% et du Mds avec 3,1% », indique l’Istis, rappelant que «près de 57% des Tunisiens déclarent n’avoir aucune préférence pour les partis politiques». Pis encore, les deux tiers des sondés considèrent que les partis politiques ne les représentent pas et ne reflètent pas leurs avis et près de 60% semblent méconnaître le rôle et les attributions de la Constituante.
Est-ce que cela explique la désaffection des Tunisiens à s’inscrire sur les listes électorales? «Selon les déclarations des personnes interrogées, inscrites ou non inscrites dans les listes électorales, le taux élevé d’abstention à l’inscription (42%) s'explique par la multiplicité des partis politiques, le manque de visibilité par rapport aux intentions de votes, la faible confiance en les partis politiques, le flou et la confusion qui règnent autour des programmes des partis politiques et l’ignorance du rôle de l’Assemblée constituante», explique l’Istis.

Les jeux sont donc loin d’être faits
Abordant le volet des intentions de vote, le sondage Istis-Tap indique que 72% des Tunisiens ont l’intention de voter lors des prochaines élections, et cela indépendamment de leur situation par rapport à la liste électorale et de leur degré de connaissance du rôle de la Constituante.
A cet égard, les deux tiers de ceux qui ont l’intention de voter n’ont pas encore décidé pour qui ils vont accorder leur vote. Et près de la moitié de ceux qui ont déjà décidé de leur choix estime que leur décision pourrait changer d’ici le 23 octobre 2011.
Le sentiment d’indécision et d’incertitude par rapport au rendez-vous électoral du 23 octobre est particulièrement tenace. Les jeux sont donc loin d’être faits. Les gagnants et les perdants pourraient n’être pas ceux que l’on pense aujourd’hui. Ce qui laisse la porte ouverte à tous les possibles. Et toutes les ambitions.

I. B. (avec Tap).