L’état d’urgence, qui prendra fin en novembre prochain, sera appliqué à la lettre. Personne n’est au dessus de la loi. Suspension de l’activité syndicale des forces de l’ordre. S’il y a majorité, le référendum n’est pas exclu... Par Zohra Abid


Voilà quelques décisions annoncées sur un ton ferme, mardi, au Palais du gouvernement de la Kasbah par Beji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement provisoire.

Dans son discours au peuple tunisien, le Premier ministre a semblé moins paternel. Chaque mot était une mise en garde et il était ferme et décidé. S’attaquant frontalement (et ne ménageant même pas les forces de la sécurité, et leur syndicat) à tous ceux qui ne respecteront pas la loi. 
La situation dans le pays, selon lui, laisse à désirer et ne permet plus les dérapages ni moraux, ni sécuritaires, ni médiatiques. «Le gouvernement ne tolère plus rien», a-t-il lancé sur un ton grave.

Pour se confronter, le Premier ministre était accompagné des ministres de la Défense nationale et de la Justice, du ministre Délégué auprès du ministre de l’Intérieur, du général Rachid Ammar, chef d’état major interarmées, des présidents de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror) et de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Cette fois-ci et pour ne sauter sur aucun point, le Premier ministre a tout noté sur un bout de papier qu’il a consulté au fur et à mesure.

Un discours de dernier recours

Comme d’habitude, le Premier ministre a ponctué son discours de versets coraniques et de quelques adages populaires sans oublier de se référer à la sagesse du «père» (Bourguiba, Ndlr). C’est sa façon de mettre à l’aise et en confiance l’audience. Une façon de rappeler aussi aux Tunisiens que l’école bourguibienne dont il émane reste la meilleure pour le pays, trois fois millénaire.

Caïd Essebsi aurait bien aimé parler d’autre chose en ce moment, comme le programme économique, le tourisme ou la rentrée scolaire qui aura lieu dans une dizaine de jours. «Nous sommes en train de préparer la rentrée scolaire. Nous voulons la réussir comme on a réussi la session du baccalauréat grâce aux efforts de nos forces de sécurité, de l’armée, du corps éducatif et du citoyen. Le tourisme a, ces derniers temps, un peu repris. Le pays n’a manqué de rien ni pendant Ramadan ni pendant les jours de l’Aïd qui se sont très bien passés. L’engagement du gouvernement est de réussir des élections libres et transparentes. C’est une première dans notre pays», a-t-il rappelé. Et d’ajouter qu’au début de sa responsabilité, il s’est heurté à un lot de difficultés avec quelques partis, les uns voulaient des élections en juillet, d’autres plaidaient pour une date ultérieure.

«Maintenant, on a une instance digne de confiance qui veille sur le bon déroulement des prochaines élections. Mais voilà que ceci déplaît à quelques-uns. 47 partis appellent à un référendum et me l’ont notifié à mon domicile à travers des huissiers de justice. S’il y a majorité, le gouvernement le proposera aux autres partis et étudiera le dossier», a-t-il précisé. Pour des élections transparentes, M. Caïd Essebssi a averti : «Il n’y aura pas de transparence s’il y a insécurité. Et recrudescence de la violence».

Plus de rassemblements, sit-in, ou grèves non autorisées

En parlant de sécurité, M. Caïd Essebssi s’est arrêté sur les postes de police, les hôpitaux et autres biens publics incendiés ou saccagés... Et sur les routes coupées par des bandits, l’émigration clandestine, les passeurs et les évadés de prison. «Ceux qui ont pris la mer ont enfreint la loi, est-ce de ma faute? Est-ce à moi d’aller les repêcher? Trois passeurs ont été arrêtés et voilà 3.000 personnes qui font grève. A Ouerdanine, une bourgade connue par son militantisme, rien ne va. Après enquête et témoignages, la justice a libéré des agents après 7 mois de détention. Il s’est révélé qu’ils sont innocents... Nous voulons une justice transparente et pas autre chose», a-t-il précisé.

Selon le Premier ministre, à Thala, Sidi Bouzid, Sbeïtla, Douz, Metaloui, Béja, la violence sous toutes ses formes s’est accentuée. «C’est inacceptable et le gouvernement va dorénavant intervenir. Il y a complot interne de quelques gradés de la Garde nationale contre leur chef. J’appelle le corps de la sécurité assermenté à être au service du pays et à ne pas s'y joindre. Rien ne nous déstabilisera et ceux qui ne respecteront pas la loi, seront punis par cette loi. Conformément à la loi 256 du Code du Travail, j’ai décidé de suspendre toute activité syndicale au sein des forces de l’ordre», a-t-il tranché.

Et de poursuivre que ce n’est pas aux syndicalistes de nommer ou de dénommer. S’il y a quelqu’un qui veut que la Tunisie réussisse sa révolution, c’est bien le gouvernement. Dorénavant, l’état d’urgence sera appliqué à la lettre, plus de rassemblement, plus de sit-in et plus de grève non autorisée. «Il y aura en tout cas, recours à l’assignation en résidence surveillée et à la réquisition du personnel indispensable».

Les médias ont eu aussi leur petite dose du jour. «Les médias ne sont pas en train d’accomplir leur devoir. Lorsque vous ne comprenez rien, au moins ne parlez pas...», a-t-il dénoncé en s’appuyant sur des exemples notamment à la télévision.

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Tunisie. Beji Caïd Essebssi sur ses grands chevaux

L’état d’urgence, qui prendra fin novembre prochain, sera appliqué à la lettre. Personne n’est au dessus de la loi. Suspension de l’activité syndicale des forces de l’ordre. S’il y a majorité, le référendum n’est pas exclu... Par Zohra Abid

En voilà quelques décisions annoncées sur un ton ferme, mardi, au Palais du gouvernement de la Kasbah par Beji Caïd Essebsi, Premier ministre au gouvernement provisoire.

Dans son discours au peuple tunisien, le Premier ministre a semblé moins paternel. Chaque mot est une mise en garde et il était ferme et décidé. S’attaquant frontalement (et ne ménageant même pas les forces de la sécurité, et leur syndicat) à tous ceux qui ne respecteront pas la loi.

La situation dans le pays, selon lui, laisse à désirer et ne permet plus les dérapages ni moral, ni sécuritaire, ni médiatique. «Le gouvernement ne tolère plus rien», a-t-il lancé sur un ton grave.

Pour se confronter, le Premier ministre était accompagné des ministres de la Défense nationale et de la Justice, du ministre Délégué auprès du ministre de l’Intérieur, du général Rachid Ammar, chef d’état major interarmées, des présidents de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror) et de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Cette fois-ci et pour ne sauter sur aucun point, le Premier ministre a tout noté sur un bout de papier qu’il a consulté au fur et à mesure.

Un discours de dernier recours

Comme d’habitude, le Premier ministre a ponctué son discours de versets coraniques et de quelques adages populaires sans oublier de se référer à la sagesse du «père» (Bourguiba, Ndlr). C’est sa façon de mettre à l’aise et en confiance l’audience. Une façon de rappeler aussi aux Tunisiens que l’école bourguibienne dont il émane reste la meilleure pour le pays, trois fois millénaire. M. Caïd Essebsi aurait bien aimé parler d’autre chose en ce moment, comme le programme économique, le tourisme ou la rentrée scolaire qui aura lieu dans une dizaine de jours. «Nous sommes en train de préparer la rentrée scolaire. Nous voulons la réussir comme on a réussi la session du baccalauréat grâce aux efforts de nos forces de sécurité, de l’armée, du corps éducatif et du citoyen. Le tourisme a, ces derniers temps, un peu repris. Le pays n’a rien manqué ni pendant Ramadan ni pendant les jours de l’Aïd qui s’est très bien passé. L’engagement du gouvernement est de réussir des élections libres et transparentes. C’est une première dans notre pays», a-t-il rappelé. Et d’ajouter qu’au début de sa responsabilité, il s’est heurté à un lot de difficultés avec quelques partis, les uns voulaient des élections en juillet, d’autres plaidaient pour une date ultérieure. «Maintenant, on a une instance digne de confiance qui veille sur le bon déroulement des prochaines élections. Mais voilà que ceci déplaise à quelques uns. 47 partis appellent à un référendum et me l’ont notifié à mon domicile à travers des huissiers de justice. S’il y a majorité, le gouvernement proposera aux autres partis et étudiera le dossier», a-t-il précisé. Pour des élections transparentes, M. Caïd Essebssi a averti : «Il n’y aura pas de transparence s’il y a insécurité. Et recrudescence de la violence».

Plus de rassemblements, de sit-in, ou grèves non autorisées

En parlant de sécurité, M. Caïd Essebssi s’est arrêté sur les postes de police, les hôpitaux et autres biens publics incendiés ou saccagés... Et sur les routes coupées par des bandits, l’émigration clandestine, les passeurs et les évadés de prison. «Ceux qui ont pris la mer ont enfreint la loi, est-ce de ma faute? Est-ce à moi d’aller les repêcher? Trois passeurs ont été arrêtés et voilà 3.000 personnes qui font grève. A Ouerdanine, une bourgade connue par son militantisme, rien ne va. Après enquête et témoignages, la justice a libéré des agents après 7 mois de détention. Il s’est révélé qu’ils sont innocents... Nous voulons une justice transparente et pas autre chose», a-t-il précisé.

Selon le Premier ministre, à Thala, Sidi Bouzid, Sbeïtla, Douz, Metaloui, Béja, la violence sous toutes ses formes s’est accentuée. «C’est inacceptable et le gouvernement va dorénavant intervenir. Il y a complot interne de quelques gradés de la Garde nationale contre leur chef. J’appelle le corps de la sécurité assermenté à être au service du pays et à ne pas. Rien ne nous déstabilisera et ceux qui ne respecteront pas la loi, seront punis par cette loi. Conformément à la loi 256 du Code du Travail, j’ai décidé de suspendre toute activité syndicale au sein des forces de l’ordre», a-t-il tranché. Et de poursuivre que ce n’est pas aux syndicalistes de nommer ou de dénommer. S’il y a quelqu’un qui veut que la Tunisie réussisse sa révolution, c’est bien le gouvernement. Dorénavant, l’état d’urgence sera appliqué à la lettre, plus de rassemblement, plus de sit-in et plus de grève non autorisée. «Il y aura en tout cas, recours à l’assignation en résidence surveillée et à la réquisition du personnel indispensable».

Les médias ont eu aussi leur petite dose du jour. «Les médias ne sont pas en train d’accomplir leur devoir. Lorsque vous ne comprenez rien, au moins ne parlez pas...», a-t-il dénoncé en s’appuyant sur des exemples notamment à la télévision.