Ce n'est pas une blague : quelques centaines de policiers en civil protestent ce matin devant le siège du ministère de l’Intérieur, sur l’avenue Habib Bourguiba, à Tunis. On aura tout vu...
Le bâtiment, encerclé par des fils barbelés, est gardé par des unités de l’armée nationale. Les protestataires crient des slogans hostiles (et irrévérencieux) à l’égard de Béji Caïd Essebsi. Et ils appellent le peuple à se joindre à eux. Tentative qui a peu de chance de réussir, les Tunisiens, dans leur écrasante majorité, n’apprécient pas ceux qui, vingt ans durant, et même davantage, les ont réprimés et privés de leurs libertés.
Les policiers crient, comme les jeunes pendant la révolution: «Itissam ! itissam ! Hatta yosqot ennidham» (Sit-in ! Sit-in ! Jusqu’à la chute du régime). Mais ils ne semblent pas attirer grande foule autour de leur mouvement.
Les déclarations, la veille, du Premier ministre du gouvernement provisoire sur les forces de l’ordre n’ont pas, à l’évidence, beaucoup plu. C’est un euphémisme. Traiter les 3% de mauvais flics de «primates» ne pouvait que braquer une partie de ce corps qui fut longtemps l’épine dorsale du système de répression mis en place par Ben Ali. Les manifestations de ce matin sont menées par les éléments qui n’ont pu digérer d’être ainsi traités par la plus haute autorité du pays, eux qui se considèrent comme les gardiens du temple.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement va devoir continuer à naviguer à vue, passant d’une indulgence compréhensive à des mises en garde fermes à l’encontre d’un corps qui résiste au changement et qui ne semble pas prêt à rendre compte de ses erreurs passées.
Par ailleurs, la mésentente cordiale entre la police et l’armée, jusque-là feutrée, sort aujourd’hui sur la place publique. Mais les deux corps, garants de la stabilité dans le pays en cette période préélectorale, sont condamnés à s’entendre. Ils ne peuvent continuer à afficher leurs querelles de prérogatives alors que des actes de violence continuent d’éclater, de façon intermittente, dans le pays. Tout le monde doit savoir raison garder…
R. K.