C’est le Centre du doyen Mohamed Chakroun pour les études et les recherches, think tank indépendant, qui a préparé le programme électoral du Congrès pour la république (CPR). Par Thameur Mekki


Outre la préparation du programme du parti du Dr Moncef Marzouki, ce centre, lancé par une initiative du CPR, se donne la mission de définir une ligne stratégique nationale.

Recherche pour construire l’Etat

«C’est une initiative visant à faire évoluer une société politique tunisienne caractérisée par son indigence et son immaturité. Les sociétés arabes ont souvent été adaptées à vivre sous des régimes militaires ou des régimes policiers et non pas dans un environnement politique ouvert», a déclaré Abderraouf Ayadi, vice-président du CPR, lors de la conférence de presse du lancement du Centre du doyen Mohamed Chakroun pour les études et les recherches, mardi, à Tunis. Pour l’occasion, le co-fondateur du CPR était entouré par l’homme d’affaires tunisien Nasr Chakroun, Tarek Kahlaoui, professeur-assistant au département d’histoire de Rutgers University au New Jersey, et Mohamed Larbi Jelassi, militant du CPR.

M. Ayadi, membre du bureau politique du CPR, poursuit: «Nous sommes dans un climat d’ignorance non propice au développement. On confond l’idéologique, le politique et le stratégique. Désormais, nous devons développer notre propre vision. La recherche est nécessaire afin que nous puissions construire l’Etat. Passer d’un pays dirigé par une administration depuis 50 ans à un Etat est notre objectif. Et cela ne peut se réaliser qu’à travers le développement cognitif». Toutefois, le vice-président du CPR a relevé que la souveraineté et la citoyenneté ne sont guère garanties sans véritable ascension cognitive. Ce think tank a été baptisé en hommage au feu Mohamed Chakroun, homme politique et militant des droits de l’homme, également ex-président honorifique du CPR.

Avant-gardiste en Tunisie !

«Le centre est indépendant. Il s’agit d’une idée inspirée par des expériences similaires européennes et américaines», lance Tarek Kahlaoui, en évoquant les rapports entre des centres qu’il qualifie d’«indépendants» et des partis politiques à l’instar de la fondation Friedrich Ebert et le Parti social-démocrate allemand ou encore la Heritage Foundation et le Parti Républicain américain. Cet universitaire indépendant, connu en Tunisie sous sa casquette de cyber-militant, a insisté sur l’indépendance du Centre Mohamed Chakroun. «Nous sommes animés et attachés aux valeurs militantes du CPR.

Il y a une liaison permanente avec ce background mais nous maintenons toujours une certaine distance entre la recherche scientifique et l’activisme politique», explique M. Kahlaoui, un des principaux pilotes de ce think tank. Il a relevé que le centre bénéficie du network du CPR regorgeant de compétences et d’experts dans les différents domaines de recherches. Il a, néanmoins, précisé que ce parti partenaire ne sera tenu à mettre en exergue les résultats des recherches que si le bureau politique les approuve.

Mais les études se poursuivront indépendamment de la position du CPR. «Lors de l’université d’été du parti, qui se tiendra du 17 au 19 septembre, nous allons contribuer en animant des workshops et des conférences. Nous interviendrons aussi pour donner notre avis quant au programme du CPR et nous émettrons des recommandations», révèle M. Kahlaoui.

Indépendance d’une initiative partisane

«C’est un centre qui fonctionne normalement. Il sera financé comme n’importe quel autre think tank. Tout le monde peut bénéficier de nos études. Nous comptons, d’ailleurs, les mettre à la disposition de tout le monde. Or, d’autres recherches effectuées sous la demande du CPR garderont leur caractère confidentiel», précise ce chercheur universitaire.

S’il s’agit bien d’un centre indépendant, les autres partis politiques tunisiens, pourront-ils y recourir ? Tarek Kahlaoui répond: «Oui ! Mais il faut que le parti en question ne soit pas vraiment loin de notre ligne idéologique. Le CPR est un parti de centre-gauche. Et nous avons bien dit que nous sommes attachés à la même ligne intellectuelle. Donc, nous sommes souples. Mais nous ne pouvons pas nous en éloigner trop en travaillant avec un parti néo-libéral par exemple». Et il renchérit avec un cas de figure : «La ligne militante du CPR implique également l’impossibilité de collaborer avec des partis comme celui d’El Watan, dont les fondateurs sont issus du système de Ben Ali». Mais qu’en est-il des chercheurs et experts impliqués dans les études du centre Mohamed Chakroun ? Doivent-ils être Congressistes ou indépendants pour intégrer le think tank ? «Non, le seul critère est la compétence», rétorque M. Kahlaoui.

Le Centre Mohamed Chakroun surfe sur une ligne fine entre structure indépendante dédiée au développement de connaissances et pépinière de projets électoralistes. Ce trapèze, maintiendra-t-il son équilibre ou devra-t-il poser pieds sur terre afin de survivre ?