Texte de l’entretien de Boris Boillon, ambassadeur de France en Tunisie, pour France diplo TV, réalisé en marge de la Conférence des ambassadeurs de France, les 31 août et 1er septembre, à Paris.
France diplo TV : Quelle est votre perception du printemps tunisien ?
Boris Boillon : La Tunisie vit une étape absolument fondamentale, fondatrice de son histoire. Et pas seulement de son histoire, car c’est le monde entier qui est concerné par ce qui s’est passé en Tunisie. Je pense qu’il était très difficile de le prévoir et que bien malin qui aurait pu, quelques semaines auparavant, prédire le déroulement des événements, et notamment la chute rapide du régime.
Il n’y a pas un événement particulier qui m’a marqué au cours de cette période. C’est l’ensemble de ce qui s’est passé : tout simplement de sentir ce vent nouveau. Ce sont des rêves qui se réalisent. Quand on est spécialistes d’une zone comme le monde arabe, on a tous rêvé, sans oser même y songer sérieusement, à ces moments où enfin on peut parler sans entraves et où on peut vraiment être à pied d’égalité. C’est un moment à la fois émouvant et extrêmement motivant. L’idée de se dire qu’un peuple est en marche. Effectivement, pour répondre entièrement à votre question, c’est passionnant sur le plan professionnel et personnel d’être aujourd’hui et maintenant dans un pays comme la Tunisie.
Quels sont les nouveaux aspects des relations franco-tunisiennes ?
Je dois dire que la relation bilatérale entre la Tunisie et la France est exceptionnelle et que le ciel est vraiment bleu entre les deux pays. Et je veux pour preuve : que quatorze ministres français, en l’espace de 5 mois, se sont rendus en Tunisie, que le même nombre de ministres tunisiens se sont rendus en France, que 600.000 Tunisiens et Franco-tunisiens vivent en France et qu’on a un tissu humain extrêmement solide, extrêmement fécond et fort entre nos deux pays.
Sur la base de la révolution, la France a décidé d’appuyer sa politique autour de trois grands axes. Le premier est justement le rapprochement entre nos deux sociétés civiles. Ce qu’on ne pouvait pas faire auparavant. Pourquoi la société civile ? Parce que, tout simplement, c’est le ciment de toute démocratie, de tout Etat de droit. Il n’y a pas d’Etat de droit sans une société dynamique et vivante. Et dans ce domaine, on a organisé ce premier Forum des sociétés civiles, qui a permis de déboucher sur des actions très concrètes dans le domaine de la citoyenneté. A titre d’exemple, un bus citoyen s’est déplacé pendant tout l'été en Tunisie pour expliquer l’importance du vote. Des Ong françaises qui travaillent avec des Ong tunisiennes dans les deux sens.
Notre deuxième axe, c’est évidemment tout ce qui concerne l’Etat de droit. On travaille énormément entre les institutions des deux pays à des programmes de bonne gouvernance dans de nombreux domaines. On est également en pleine période de formation d’acteurs essentiels de la démocratie. On essaie de générer de vrais échanges entre tous les acteurs qui font l’existence d’une démocratie.
Notre troisième axe concerne évidemment le développement économique et social. Puisque la révolution tunisienne vient aussi de revendications sociales, et notamment de jeunes diplômés sans travail. Il est essentiel d’aider la Tunisie à créer des emplois. On travaille également beaucoup dans le domaine de la formation professionnelle avec de très nombreux ministères. Et puis, tout simplement aussi, cette ambassade a pour mission de soutenir les 1.270 entreprises françaises qui sont présentes en Tunisie et qui sont restées ; elles emploient plus de 110.000 personnes. Une de nos missions c’est de faire en sorte que toutes ces entreprises qui donnent vie aux relations économiques bilatérales puissent continuer à travailler du mieux possible dans l’intérêt des deux pays.
Boris Boillon: Regards sur le printemps arabe.