Après avoir nettoyé les rues de Tunis des étalages anarchiques des vendeurs ambulants, les autorités vont-elles agir pour mettre fin à l’affichage illégal… des partis politiques ?


 

Cette question est d’autant plus d’actualité que des partis ont décidé de faire fi de l’interdiction de la publicité politique, entrée en vigueur lundi, et ont poursuivi l’affichage urbain et les spots publicitaires, narguant ainsi les pouvoirs provisoires et les instances ayant décidé cette interdiction afin d’assurer les conditions d’une émulation saine entre les partis et éviter que l’argent politique ne pourrisse les conditions générales pour les élections de la Constituante, le 23 octobre prochain.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) ont insisté, lundi, sur l’impératif de respecter l’interdiction de la publicité politique.

Chebbi - Riahi main dans la main
Des partis politiques ont clairement annoncé qu’ils n’ont pas l’intention de respecter cette interdiction. Le Parti démocrate progressiste (Pdp) a affirmé, dans un communiqué publié lundi, que «cette décision ne se base sur aucun texte de loi» et qu’il est «prêt à recourir à la justice pour défendre son droit à communiquer avec le public».

Un responsable de l’Union patriotique libre (Upl) a récemment affirmé, sur une radio nationale, que son parti n’avait aucunement l’intention de respecter cette décision «illogique», estimant que son «jeune parti se réserve le droit de se faire connaître».
Ce sont, par ailleurs, les deux partis qui disposent le plus de moyens financiers et qui, de ce fait, recourent de manière intensive à la publicité, tous supports confondus (affichage urbain, télévision, radio, presse papier et électronique…)

Contactée par l'agence Tap, l’Isie, instance indépendante chargée d’organiser, de superviser et de contrôler l’opération électorale, s’est abstenue de commenter cette annonce. Larbi Chouikha, membre de l’Isie chargé des médias et de la communication, a indiqué qu’«en cas de dérapage, l’instance prendra à témoin l’opinion publique» pour dénoncer les abus et sensibiliser les électeurs. Il a rappelé que l’Isie a recruté des contrôleurs indépendants chargés de veiller au respect de cette disposition sur la voie publique et d’assurer le monitoring des médias.

Mourad Mouelhi, membre chargé des affaires juridiques, a souligné que le respect de l’interdiction relève de la responsabilité politique des candidats «désormais réels et non plus potentiels». Le décret-loi portant création de l’Isie, a-t-il indiqué, prévoit le recours aux autorités publiques pour appliquer les décisions de l’Instance et prendre les mesures nécessaires dans ce sens. L’Isie peut, a-t-il expliqué, recourir aux forces de l’ordre et aux municipalités dans le cas d’une publicité sur la voie publique et contre les agences de communication qui tombent sous le coup de cette interdiction. L’Isie s’en remet aussi à l’Inric pour appliquer les dispositions relatives à la publicité sur les médias.

Un coup porté au processus démocratique

L’Inric a affirmé son appui à la décision de l’Isie d’interdire la publicité politique et s’étonne que certains partis annoncent qu’ils ne la respecteront pas, a indiqué son président, Kamel Labidi. «La publicité politique est interdite dans la majeure partie des systèmes démocratiques», a-t-il souligné, précisant que l’utilisation de l’argent politique pour influencer les électeurs risque de porter préjudice au processus démocratique émergent. Il faut laisser aux médias et aux journalistes la responsabilité de faire la lumière en toute neutralité et équité sur les programmes des partis et sur la scène politique en général, a-t-il dit, affirmant qu’«il s’agit là des règles et normes en vigueur dans les pays démocratiques».

Tous les partis n’ont pas les mêmes ressources et capacités financières, a encore fait noter M. Labidi, affirmant que «laisser libre cours à la publicité politique serait porter atteinte à l’équité et aux règles du jeu politique et de saine émulation qui s’imposent pour assurer le succès de la transition démocratique».

I. B. (avec Tap).