L’application de l’article 315 du code pénal à l’encontre des partis continuant à faire de la pub pourrait conduire leurs dirigeants derrière les barreaux. Désormais, c’est au gouvernement de bouger. Par Thameur Mekki


Il est certes peu probable que l’on en arrive à cet extrême, mais les partis qui se mettent hors la loi sont prévenus. Et de toute façon, les médias qui tiennent à garder la pub des Néjib Chebbi, Slim Riahi et consorts seront privés de couverture des élections, dit-on au sein de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie).

Chebbi et Riahi risqueraient-ils la taule ?

Une semaine est déjà passée depuis que la décision d'interdire la publicité politique est entrée en vigueur. Pourtant, les slogans du Parti démocrate progressiste (Pdp) et de l’Union patriotique libre (Upl) continuent à bousculer ceux des nouvelles offres des opérateurs téléphoniques, des marques de yaourts et autres produits de consommation sur les panneaux d’affichage urbain, sur les bus et dans les breaks publicitaires de la télévision, en l’occurrence, la chaîne privée Nessma.

Suite à ces dépassements, l’Isie a annoncé, dans un communiqué rendu public dimanche 18 septembre, qu’il sera procédé à l’application de l’article 315 du code pénal, à l’encontre des partis qui ne respecteront pas la décision de l’interdiction de la publicité politique. Dans le même communiqué, l’Isie a également appelé les autorités publiques à veiller à la bonne application de ses décisions, en vue de garantir un climat électoral sain.

Les infracteurs seront, ainsi, passibles de 15 jours de prison et d’une amende, symbolique, de 4 dinars 800 millimes. «Les concernés par ces sanctions seront le premier responsable du parti commettant des dépassements, selon l’organigramme de la formation politique en question», indique Mourad Ben Mouelhi, membre de l’Isie. «Rien n’a été promulgué spécialement pour les infractions à cette décision. Il s’agit d’une ancienne loi pénale concernant les dépassements des règlementations en vigueur dans le pays», précise M. Ben Mouelhi.

Karoui&Karoui jouent les durs !

Le membre de l’Isie chargé des affaires juridiques explique : «L’Isie représente une autorité administrative indépendante du pouvoir réglementaire. C’est aux municipalités, aux ministères de l’Equipement, de l’Intérieur, du Transport et aux autres autorités publiques concernées d'intervenir». Proprement dit, désormais, la balle est au camp du gouvernement.

«Il faut voir le côté positif. Certaines entreprises privées nous ont envoyé des courriers où ils demandent un petit délai (quelques jours) leur permettant de retirer la pub politique de leurs enseignes d’affichage urbain. Certaines d’entre elles ont déjà commencé à le faire», nous confie Mourad Ben Mouelhi. La plus vaste campagne, celle de l’Upl, est régie par Karoui&Karoui Outdoor. Cette entreprise, par exemple, fait-elle partie de celles qui se sont rétractées ? «Non, nous n’avons pas reçu un courrier de leur part», affirme le membre de l’Isie. Voilà que le groupe des frères Karoui semble être déterminé à maintenir la pub de l’Upl autant sur ses affiches urbaines que sur Nessma, chaîne tv dont la moitié des actions lui appartiennent.

Pas d’accréditations pour les infracteurs

«Quant aux médias commettant des dépassements, c’est à l’Intic et au Premier ministère d’intervenir», relève M. Ben Mouehi. Sachant que l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) est une autorité consultative ayant déjà signalé ces dépassements, le passage à l’application de l'article 315 à l'encontre des médias infracteurs incombe aux services du Premier ministère. De son côté, l’Isie leur a déjà prévu sa propre sanction. «Nous avons décidé que les journalistes des médias ne se conformant pas à notre décision de l’interdiction de la publicité politique ne seront pas accrédités pour couvrir les élections de l’Assemblée constituante», déclare M. Ben Mouelhi.

«La question ne se limite pas à des sanctions. Je pense que l’opinion publique est assez avisée pour remarquer que certains partis politiques qui présentent des candidats pour les élections de l’Assemblée constituante affichent qu’ils ne sont pas prêts à se conformer aux décisions et aux lois», martèle notre interlocuteur avant d’ajouter : «Je tiens à préciser que nous n’avons rien inventé. Notre décision a été prise par plusieurs autres pays toujours dans le but de garantir un climat électoral sain. Même le délai de l’interdiction de la pub politique déterminé par l’Isie est l’un des plus courts comparé à ceux fixés par d'autres pays qui arrivent jusqu’à 3 voire même 6 mois avant le scrutin».

Le paysage politico-médiatique tunisien a commencé à vivre une nouvelle étape où la propagande fait de la résistance, se fout des lois et cherche à s’acheter une virginité qu’il faudrait arracher coûte-que-coûte même si elle menace d’affecter le climat électoral. Vous avez dit fils de pub ? Le jeu de mot de Séguéla n’est pas anodin.