Une réunion de la dernière chance, aujourd’hui, à New York, entre les chefs de la diplomatie des deux pays, pourrait baliser le terrain pour un accord à ce sujet. Par Sarra Guerchani, correspondante au Canada.


 

La communauté tunisienne au Canada est indignée : le gouvernement canadien lui a interdit de voter pour l’élection de l’Assemblée constituante en Tunisie, le 23 octobre.

Cette information, révélée par l’ambassadeur de Tunisie au Canada, le 17 septembre dernier, est relayée, depuis quelques jours, par les médias tunisiens. Les médias canadiens commencent à peine à en parler, mais tous semblent perplexes face à une information dont ils ne trouvent, finalement, aucune trace écrite nulle part. Le ministère des Affaires étrangères canadien ne se prononce pas, lui non plus, sur les raisons pouvant justifier une telle décision. Les demandes émanant de la presse et des associations locales tunisiennes sont restées sans réponses.

Quant à l’ambassadeur, Mouldi Sakri, qui a divulgué cette information, lors d’une réunion avec la communauté, samedi dernier, il refuse de donner plus d’explications.

 

Refus de principe ?

Durant cette rencontre, M. Sakri a commencé par lire le troisième paragraphe de la lettre qui lui a été envoyée par le ministère des Affaires étrangères canadien, datée du 8 septembre, affirmant que «le gouvernement du Canada continuera de refuser en principe toute demande d’autres États d’ajouter le Canada à leurs circonscriptions électorales extraterritoriales respectives. En outre, il ne permettra ni aux gouvernements étrangers de mener des campagnes électorales au Canada, ni à des partis politiques ou mouvements étrangers de s’établir au Canada.

Pour faire respecter ces directives, le ministère compte sur la collaboration de tous les chefs de mission diplomatique, qui devront faire des vérifications proactives et aviser le ministère si, dans le cadre d’élections, le pays où ils se trouvent a adopté, ou prévoit d'adopter, des mesures visant à inclure le Canada à une circonscription électorale.»

Si la loi canadienne interdit le déroulement de ce genre d’élection sur son territoire, comme le stipule le texte cité ci-dessus, le Canada devrait alors s’expliquer sur le cas de la France et de l’Algérie. En 2009, les Français ont pu élire leur représentants à l’assemblée des Français à l’étranger ; ce fut également le cas pour les Algériens la même année.

La Tunisie a-t-elle fait une demande officielle ?

Ensuite, l’ambassadeur a enchainé en annonçant que le Canada donnait un avis défavorable quant à la tenue d’élection sur son sol. Or, ce que Mouldi Sakri a omis de lire, ou a peut-être trouvé inintéressant à partager, c’est le paragraphe qui précède celui lu devant une partie de la diaspora. Ce paragraphe stipule clairement que «le Canada continue d’encourager les pays étrangers à permettre à leurs citoyens résidant de façon permanente ou temporaire au Canada d’exercer leur droit de vote aux élections et aux référendums de leur pays d’origine, à savoir par la voie du bulletin de vote d’un électeur absent. Le ministère examinera aussi les demandes officielles des États étrangers souhaitant aménager un bureau de scrutin sur les lieux de leur mission diplomatique ou de leur poste consulaire afin d’y faciliter les opérations de vote. Les demandes officielles, précisant l’emplacement de tous les bureaux de scrutin, doivent être présentées au bureau du protocole du ministère bien avant la tenue de l’élection ou du référendum.»

En d’autres termes, le Canada n’interdit pas d’élection sur son sol dans les locaux de représentation des communautés étrangères basées au Canada, sinon le gouvernement ne ferait que se contredire dans une même lettre, outre le fait qu’il défie, par son refus, les lois internationales concernant la souveraineté des ambassades et des consulats dans tous les pays du monde.

Durant la réunion avec la communauté tunisienne, l’ambassadeur s’est contenté de lire la réponse du gouvernement du Canada à une question qui reste à clarifier.

La Tunisie a-t-elle demandé l’ouverture d’autres bureaux de vote au Canada, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) en ayant annoncé 14 sur le territoire canadien au mois d’août dernier ? Aurait-elle juste demandé la permission de pouvoir organiser les élections dans les deux lieux de représentation officiels tunisiens, à savoir le consulat à Montréal et l’ambassade à Ottawa ?

L’Irie a pourtant essayé d’obtenir une copie de cet échange entre le ministère canadien des Affaires étrangères et l’ambassade tunisienne au Canada, mais celle-ci a invoqué le secret diplomatique.

Une réunion de la dernière chance

Quant au Collectif tunisien au Canada, il a réagi, au lendemain de l’annonce diffusée sur les réseaux sociaux et auprès des médias, par un communiqué demandant des explications au gouvernement canadien et exigeant de ce dernier que les ressortissants tunisiens au Canada puissent exercer leurs droits de vote dans les locaux des représentations diplomatiques de leur pays.

La situation devrait se clarifier d’ici aujourd’hui. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mouldi Kéfi, va, en effet, rencontrer son homologue canadien, à New York, en marge de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unis. Ottawa va-t-elle se laisser convaincre de «revenir» sur sa décision ?

Les Tunisiens résidents au Canada l’espèrent bien pour la sauvegarde de bonnes relations entre leurs pays d’origine et d’accueil.