La première réunion du groupe de travail UE-Tunisie s’est ouverte mercredi à Tunis. C’est la première initiative du genre dans la région du sud de la Méditerranée depuis le début du printemps arabe.
Par Mourad Teyeb
La cérémonie d’ouverture a été présidée par le Premier ministre Béji Caïd Essebsi, la Haute Représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, et la présidente de la Confédération suisse, Micheline Calmy-Rey, invitée de la réunion.
La réunion vise à assurer une meilleure coordination du soutien européen et international en faveur de la transition en Tunisie. Des actions concrètes viseront en particulier à contribuer à la récupération des avoirs gelés de l’ancien clan au pouvoir et à stimuler les investissements étrangers directs ainsi que la création d’emplois. Un certain nombre d’accords relatifs à des aides de l’UE, s’inscrivant dans le cadre d’un programme d’un milliard d’euros associant plusieurs donateurs, seront signés au cours et en marge de la réunion.
L'accès au marché, la mobilité des personnes, l’éducation et la recherche et le soutien à la société civile seront également au cœur des discussions – notamment lors d’une séance avec des représentants de la société civile –, et l’UE offrira une coopération accrue et de nouveaux partenariats dans ces domaines.
Stefan Füle, membre de la Commission européenne chargé de l’élargissement et de la Politique européenne de voisinage, et Bernardino Léon, représentant spécial de l’UE pour la région du Sud de la Méditerranée, participent également à l’événement.
En plus des représentants du gouvernement tunisien, du Parlement européen, de la Commission européenne et des Etats membres de l’UE, des représentants d’institutions financières internationales prennent part à la réunion. Il s’agit de la Bei, la Berd, la BM, le Fmi, la Bid et la Bad.
Le secteur privé est représenté, lui aussi, par plusieurs chefs d’entreprises tunisiennes et européennes.
L’Union pour la Méditerranée (UpM) et le Partenariat G8/Deauville participent aussi aux travaux.
Catherine Ashton : «Jobs... jobs… jobs»
«La Tunisie ouvre une nouvelle page de son histoire. Dans moins d’un mois auront lieu les premières élections pleinement démocratiques depuis le début du printemps arabe», a déclaré Lady Ashton à l’ouverture des travaux.
«Une nouvelle Tunisie se profile : une Tunisie ouverte, dynamique, prospère et démocratique. L’UE est déterminée à mettre tout en œuvre pour l’aider.
Le groupe de travail poursuit trois grands objectifs : être à l’écoute des besoins de la population tunisienne, améliorer la coordination du soutien européen et international pour apporter une aide plus rapide et plus efficace, servir de catalyseur pour l’obtention de résultats concrets».
«C’est votre pays, c’est votre avenir, nous sommes vos amis, nous sommes là pour vous soutenir», a aussi lancé Mme Ashton. Et d’ajouter, sur un ton volontariste : «Nous voulons que vous réussissiez, nous sommes engagés pour votre succès. Cette rencontre n’est qu’un début, car nous serons de retour plusieurs fois. Le credo anglais dit : ‘‘Jobs…jobs…jobs’’, et je suis ici pour mobiliser les efforts de la relance de l’économie et créer des emplois».
Micheline Calmy-Rey et les avoirs de Ben Ali
«Nous devons rendre justice au peuple tunisien en lui restituant les biens qui lui appartiennent», a dit de son côté Micheline Calmy-Rey. Rappelant que la Suisse a été «le premier pays à réagir en gelant les avoir de Zaba et de ses proches dès le 19 janvier», la présidente de la Confédération suisse a annoncé que les avoirs de Ben Ali en Suisse tournent autour de 60 millions de Francs suisses (environ 67 millions de dollars US et 95 millions de dinars tunisiens).
«Ce n’est pas énorme», reconnait la présidente de la Suisse. Elle explique que ceci est dû à deux raisons : 1- Ben Ali n’aimait pas trop la Suisse parce qu’elle a souvent exprimé son désaccord avec sa politique notamment en matière des droits de l’homme ; et 2- la législation suisse anti-blanchiment et l’appareil législatif du gouvernement suisse.
Pour espérer récupérer ces fonds pillés par Zaba et les membres de son clan, Mme Calmy-Rey appelle à ce que ces biens «soient, d’abord, identifiés» et ensuite à engager «une procédure judiciaire» minutieusement mise en place et qui prenne en considération ce qu’elle reconnaît être l’urgence et l’importance de l’aboutissement de la procédure de récupération des biens.
«Le temps presse et il faut trouver des moyens pour raccourcir et accélérer les procédures dans le cas de la Tunisie», pense-t-elle. Et pas les éventualités de créer des lois spécifiques pour le cas de la Tunisie (comme dans le cas de Jean-Claude Duvalier de Haïti, en 1986) ou le recours aux Nations-Unies (comme dans le cas des biens de Saddam Hussein, en 2008).
Selon elle, un partenariat est nécessaire entre l’Etat d’origine des fonds à restituer et l’Etat où ces fonds sont placés. C’est dans cet ordre d’idée qu’un pôle financier à Tunis pourrait voir le jour pour s’occuper de ces affaires de recouvrement des avoirs de l’ancien régime en Suisse.
A un certain moment lors de la séance plénière, nous avions l’impression que cette réunion avait pour objectif principal de débattre de l’urgence et des modalités de la restitution des biens du clan Ben Ali en Suisse. C’est du moins la raison pour laquelle la Confédération suisse a été invitée.
Les propos de Janamitra Devan, vice-président de la Banque Mondiale, sur la possibilité légale de restituer les biens pillés en passant par les institutions onusiennes ont accentué cette impression.