Le tribunal militaire de Bab Saadoun, près de Tunis, a prononcé un non-lieu dans l’affaire de Samir Feriani, accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Ce verdict était presque attendu par ses avocats.

Par Zohra Abid


Concernant les autres accusations, notamment la diffusion de fausses informations, le tribunal s’est déclaré incompétent et a transféré le dossier à la justice civile, tout en confiant à l’instruction militaire la poursuite de l’enquête.

Le procès, qui a commencé à 9h30, s’est terminé un peu avant 19 h.

Le haut cadre de la police Samir Feriani (44 ans), accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat, a comparu, en liberté provisoire, aujourd’hui, devant le Tribunal militaire. Il a fallu près de six heures pour le défendre et entendre des témoins dont un avocat (et ex-expert des services de renseignements) qui a marqué l’attention de la cour par son témoignage.

Dans les coulisses du tribunal

Selon Me Amor Safraoui, le tribunal a laissé le temps qu’il fallait à ses collègues pour défendre le policier. Parmi la cinquantaine d’avocats qui se sont chargés de l’affaire, 7 (dont quatre du groupe des 25) ont plaidé son acquittement. «Nous sommes confiants en ce tribunal qu’on a déjà remercié pour nous avoir tous écoutés.

Ceci nous a beaucoup rassurés. Nous avons plaidé l’innocence de M. Feriani et montré à tout le monde que la Tunisie a vraiment changé et ne peut continuer de maltraiter les hommes libres. Car l’arrestation de Samir Feriani était comme une leçon à donner à tous ceux qui, comme lui, par acquis de conscience, refusent les anciennes pratiques», a dit à Kapitalis Me Safraoui, un peu avant la proclamation du verdict. Il avait alors beaucoup d’espoir. «Nous avons demandé un non-lieu. Mais au pire des cas, l’affaire sera renvoyée devant un tribunal civil. A ce moment-là, nous allons faire appel», a-t-il ajouté.

«Si Samir Feriani était finalement acquitté, ce serait alors une véritable victoire de la révolution», a encore dit Me Safraoui.

La sympathie du grand public

Incarcéré le 29 mai dernier et placé en liberté provisoire le 22 septembre, le policier a, dès le départ, bénéficié de la sympathie du grand public. Sur les réseaux sociaux, on ne parle que de ce policier qui a fait entorse à l’habitude et dit ouvertement ce qu’il fallait dire au peuple. Ses déclarations, qui accusent d’anciens collaborateurs de Ben Ali de sévir encore au ministère de l’Intérieur, ont été relayées par tous les médias d’ici et d’ailleurs.

M. Feriani a évoqué le cas de l’un de ses collègues qui aurait participé à la répression des manifestants à Sidi Bouzid et à Kasserine et qui s’est trouvé par la suite promu. Il a aussi déclaré publiquement qu’il refuse de travailler avec des criminels du régime Ben Ali et qu’aucun responsable du ministère de l’Intérieur ne peut l’obliger à être contre la volonté du peuple.

«J’ai choisi d’être sincère avec mon peuple qui a trop enduré», a-t-il toujours dit. Et d’ajouter que les archives de la sécurité et des services de renseignements ont été toutes détruites. C’est, selon lui, une autre preuve qui met en doute la transparence de l’appareil du ministère de l’Intérieur. M. Feriani est allé plus loin dans ses déclarations parues dans les journaux de la place lorsqu’il a évoqué les documents détruits relatifs à l’Organisation de libération de la Palestine (Olp), basée de 1982 à 1994 à Tunis, et qui attestent de la complicité de l’ex-président avec le Mossad, le service de renseignement israélien.

Une victoire pour la révolution !?

Quelques jours après ces déclarations, Samir Feriani a été arrêté le 29 mai – kidnappé, dit son épouse – alors qu’il allait, dans sa voiture, faire des courses, un dimanche matin. Il a été accusé d' «atteinte à la sûreté de l’Etat» et conduit à la prison de l’Aouina, dans la banlieue nord de Tunis.

Depuis, l’affaire a pris de l’ampleur et la société civile s’est dépêchée pour protester contre cette arrestation qui rappelle les pratiques de l’ancien régime. Des pétitions ont été signées par des militants des droits de l’homme et de la société civile et envoyées aux autorités. Une page facebook lui a été consacrée. Les médias n’ont pas cessé de parler de l’affaire et de rappeler que l’arrestation de M. Feriani témoigne d’une volonté de faire taire tout le monde.

Samir Feriani travaille au ministère de l’Intérieur depuis près de vingt ans. Il a occupé les cinq dernières années le poste de directeur de la formation.