Tunis doit sans doute s’en féliciter. L’aide de Bruxelles, en cette phase difficile de transition, n’est peut-être pas suffisante. Elle vient néanmoins à point nommé pour donner de l’air à une économie au bord de l’asphyxie.
Par Mourad Teyeb
La Tunisie et l'Union européenne ont signé jeudi deux conventions de financement d’un montant global de 157 millions d’euros (environ 300 millions de dinars) au budget de l'Etat pour soutenir la relance de l’économie tunisienne.
La première convention, de 100 millions d’euros, est destinée aux mesures de relance économique récemment adoptées par le gouvernement tunisien et «répondre de manière visible et décisive» aux défis auxquels la Tunisie doit faire face, à savoir le chômage, la pauvreté et les inégalités entre les régions.
Soutenir la reprise de la croissance économique
Ce Programme, formulé juste après la révolution, vise aussi à l’amélioration de la transparence, de la responsabilisation et de l’efficacité de l’administration publique ; et au maintien de la stabilité macro-économique face à la très forte pression sur le budget de l’Etat et les comptes extérieurs du pays.
Les mesures qui seront prises dans le cadre de programme devront contribuer à une reprise de la croissance économique, à travers, entre autres, 1- des mesures de soutien à l’activité économique et le réajustement des interventions publiques en faveur des régions et des groupes sociaux particulièrement défavorisés jusqu’à présent ; 2- des actions dans le domaine de l’administration publique, pour garantir l’accès à l’information à tous les citoyens et améliorer l’efficacité et la transparence des procédures de marchés publics ; 3- des actions en faveur de la micro-finance afin de généraliser et pérenniser son développement sur tout le territoire ; 4- des actions dans le secteur financier, pour améliorer la gouvernance des banques et le cadre réglementaire régissant les opérations de capital-investissement.
La deuxième convention, d’un montant de 57 millions d’euros, vise à aider à la gestion des ressources en eau pour le développement rural et agricole.
4 milliards d’euros en 3 ans
Le Premier ministre Béji Caïd Essebsi et la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, ont procédé à la signature de ces deux conventions, qui couronnent les travaux du premier Task Force UE-Tunisie tenu mercredi et jeudi à Tunis.
M. Caïd Essebsi a dit à l’issue de la cérémonie de signature que ce Task Force «marque un saut qualitatif et une ère nouvelle dans les relations Tunisie-UE».
Béji Caïd Essebsi et Catherine Ashton
«L’UE a toujours été un partenaire économique privilégié de la Tunisie, a-t-il rappelé. Elle est désormais un partenaire politique et social aussi». Et le Premier ministre de rappeler l’objectif de 500.000 emplois à créer en 5 ans qui «nécessite le soutien des amis de la Tunisie».
«Je suis ravie de dire que la première réunion de la Task Force UE-Tunisie a été un grand succès», a déclaré Catherine Ashton. «Une Tunisie nouvelle se dessine, ouverte, dynamique, prospère et démocratique. C’est un exemple pour toute la région. Pourtant, je sais que les Tunisiens attendent des changements encore plus rapides, en particulier dans le domaine économique. Et si ce processus doit bien sûr être dirigé par les Tunisiens eux-mêmes, l’UE s'est engagée à faire tout son possible pour aider. La Tunisie a un immense potentiel, des gens qualifiés et de grandes opportunités. Mais il est essentiel que les investissements reviennent», a ajouté la responsable européenne.
Mme Ashton a annoncé aussi que l’aide de l’UE s’élèvera à 4 milliards d’euros en investissements durant les trois prochaines années. Ils proviendront de la Commission européenne, des Etats membres, et de la Banque européenne d’investissement (Bei).
Vers un Partenariat pour la mobilité
Plusieurs conventions de financement ont été agréées, notamment pour des programmes d’aide à la relance économique et à la réforme du secteur de l'eau, ainsi que pour un soutien à la société civile.
Le 30 septembre, des négociations formelles vont débuter entre la Tunisie et l’UE dans le but d’établir un nouveau «Partenariat privilégié» couvrant tous les aspects d’intérêt mutuel.
L’UE mettra également en place une équipe de soutien à la restitution des fonds, constituée d’experts basés à Tunis et à Bruxelles, afin de faciliter l’échange d’informations avec les Etats membres et la Tunisie sur les biens illégalement expatriés par l’ancien régime.
Béji Caïd Essebsi et Catherine Ashton signe l'accord
Il a par ailleurs été convenu de relancer les négociations pour libéraliser le commerce de produits agricoles, et de lancer un accord de libre-échange profond et complet, une fois que le Conseil de l’UE en aura défini le mandat. Les deux parties vont aussi entamer les discussions en vue d’un accord sur les services aériens afin de stimuler le tourisme, un secteur vital pour l’économie tunisienne.
Enfin, afin d’améliorer les opportunités de travailler, d’étudier et de voyager en Europe, l’UE va initier avec la Tunisie des discussions en vue d’un Partenariat pour la mobilité, les premières du genre avec un pays du sud de la Méditerranée.
Le Comité d’Association UE-Tunisie assurera le suivi des recommandations de la Task Force, et celle-ci se réunira une deuxième fois au cours du premier semestre 2012.
Silenzio Stampa !
La conférence de presse tenue par M. Caïd Essebsi et Mme Ashton, à la suite de la signature des accords de financement, n’en était pas une. Dans une salle pleine à craquer de journalistes, de cameramen et photographes, trois de nos collègues uniquement ont été autorisés à poser des questions à la responsable européenne.
Nous n’avons donc pas eu droit de poser des questions concernant la position de l’UE sur des questions «chaudes» telles que le traitement réservé aux immigrés illégaux tunisiens, la «démission » européenne des camps des réfugiés libyens et africains dans le sud de la Tunisie, la position de l’UE sur les récents développements de la question palestinienne, etc.
Une conférence de presse, dites-vous ?!