La Liste Libre et Indépendante (Lli), conduite par l’avocat (et militant) Chawki Tabib dans la circonscription de l’Ariana veut se démarquer par son esprit jeune, citoyen et… rebelle.

Par Zohra Abid


 

Pour cette liste, dont l’âge moyen des 8 membres est de 45 ans, les travaux d’approche pour le décollage ont été rondement menés. Avec une forte volonté de rupture avec la dictature qui a failli faire sombrer le pays dans le chaos. «Le peuple ne doit pas remplacer la dictature de Ben Ali par une autre», a prévenu Chawki Tabib, au cours d’un meeting, mercredi 12 octobre, à la Maison de jeune de la Cité des Roses (qui compte 95 listes, un record national !). Et de rappeler qu’il a toujours milité pour la bonne cause et qu’il ne le regrette pas ; et ce n’est pas maintenant qu’il va changer de couleur. Et de lancer à ses sympathisants qu’il faut prendre une distance vis-à-vis de quelques partis, qui, hier, étaient militants, et aujourd’hui, ont les yeux plus gros que le ventre. Attention donc, l’avidité du pouvoir peut changer les anges en démons et chez eux, tout est permis !, prévient l’avocat.

Adieu les années Ben Ali !  


Me tabib plaide pour les indépendants

Pour la tête de liste de la Lli, le passé appartient au passé. «Nous avons, sans regret, soutenu des partis, des années durant, alors qu’ils se battaient contre la dictature de Ben Ali, mais à voir aujourd’hui le degré de leur voracité, c’est décevant. Plus inquiétant encore, leur acharnement féroce contre les indépendants», a ajouté, navré, Me Tabib, qui ne se reconnaît plus dans ces partis historiques qu’il avait tant soutenus par le passé. Ce qui inquiète ce juriste, c’est le virage à 380° des opposants d’hier. «Ils sont devenus avides de pouvoir et d’argent, même si ça vient de l’étranger, ça ne les dérange pas.

Nous leur disons que le financement politique par l’étranger n’est pas gratuit. Un parti monnayé sera l’esclave de celui qui l’a financé», a encore prévenu l’avocat. Et de se défendre : «Quant à nous, nous sommes des gens libres et indépendants et personne ne nous dictera notre orientation. Nous serons au service du peuple», a-t-il lancé, comme un défi à ses anciens compagnons de route.


ChawkiTabib entouré de ses co-listiers

Face au nombre impressionnant de partis en lice (avec 11.000 candidats répartis sur environ 1.600 listes dans 33 circonscriptions), le citoyen semble perdu. Le bal des prétendants est impressionnant et il n’est pas facile de choisir et de faire le bon choix. Pis encore : selon Me Tabib, il y aura peu de gens qui iront voter. Cela ne dépasserait pas un million d’électeurs. «Ils ont changé Ben Ali par une batterie de partis qui s’affrontent. 10% seulement de la population sont membres de 116 partis. Nous les indépendants représentons les 90%, c’est-à-dire la majorité du peuple. Car, nous appartenons à la société civile», a souligné Me Tabib. D’où le danger. Car, il n’est pas admissible, selon lui, que la minorité, qui représente le dixième de la population, gouverne la majorité.

La Constitution des 10% du peuple


Me Tabib au centre entouré de ses colistiers

Et de remuer le couteau dans la plaie : «Je ne suis pas contre les partis, mais contre l’origine de leur financement, contre la ruse politique. Ecrire une constituante exige un savoir-faire, dont les partis sont dépourvus. Quant aux listes indépendantes, elles sont plus crédibles, rien que parce que nous n’avons pas d’ambitions politiques. Les indépendants sont les seuls capables de rompre définitivement avec le passé. La constitution doit aussi être confiée aux gens du métier et pas rédigée par n’importe qui», insiste le juriste.

Me Tabib a rappelé que face à la voracité de quelques partis, ni le gouvernement, ni le ministère public, ni l’Instance de réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), n’ont réagi pour poursuivre les partis financés par l’étranger. «C’est grave lorsque l’on sait que ceux qui vont représenter le peuple dans la constituante vont avoir derrière eux des gens qui leur dicteront leurs lois pour rédiger une constitution pour au moins 100 ans et qui pourrait ne pas correspondre aux aspirations de tous les Tunisiens. Ces gens-là ont certes l’expérience du militantisme, mais pas celle du pouvoir», a encore prévenu M. Tabib.

«Notre logo est la main de fatma qui signifie l’identité de notre pays, la rose qui tatoue cette main, c’est le symbole de notre ville», a dit, sur un ton décontracté, Abir Zoghlami, infirmière et l’une des trois jeunes femmes de la liste. Sa camarade Hajer Wanna Hentati, avocate à la Cour de cassation et présidente de l’université club de l’Ariana Volley-ball, a dit quant à elle deux mots sur la source du bien et du mal : l’argent. «J’en ai vu de toutes les couleurs dans le domaine du sport. Vous n’avez pas idée sur l’argent sale et la corruption dans le milieu. Ceci m’a encouragée à être indépendante. Indépendante et libre».

Les Tunisiens ne seront plus des sujets

Comme l’avocate, Hedi Bouzid l’agriculteur, Slim Ben Brahim le commerçant, l’universitaire Asma Chayeb Hamzaoui, Houcem Eddine Boubaker l’avocat ou encore Altaf Wanna Handous, la maîtresse d’école, sont sur la même longueur d’onde. Ils partagent les mêmes idées qu’ils défendent avec force conviction.

Peu importe le résultat qui sortira des urnes. L’essentiel, selon eux, c’est d’être avant tout au côté du peuple, de continuer à militer à travers les associations, à venir en aide aux citoyens là où ils sont.

«Notre slogan ‘‘Libres et indépendants’’ veut dire que nous ne sommes les sujets de personne. Il est vrai que nous étions des sujets à l’époque du Bey, nous étions passés ensuite au statut de citoyens d’un Etat avant de redevenir des sujets au service d’une famille, d’une bande. Aujourd’hui, nous avons gagné la bataille contre les Trabelsi et nous n’avons plus peur de personne», a renchéri la tête de la Lli. Et de rappeler que les Tunisiens doivent préserver avant tout leur Etat civil. «Notre pays est arabe et l’islam est notre religion. La Tunisie doit rester un Etat civil», plaide encore l’avocat.

Interrogé sur le meilleur régime pour la Tunisie, Me Tabib a dit que rien ne vaut le régime mixte, à la fois parlementaire et présidentiel. «Nous sommes pour une cour constitutionnelle qui garantit la constitutionnalité des lois. Bien évidemment, nous sommes pour la liberté d’expression, des médias, de culte, d’association. L’Etat doit aussi lever la main sur la magistrature. La police doit aussi faire son travail de sécurité et rester loin de la politique. Et nous n’oublions pas le droit du Tunisien à la santé, à un environnement sain, au travail, à un enseignement accessible. Nous sommes pour l’égalité des chances, dans les régions et entre hommes et femmes», a-t-il dit tout en appelant les politiques à éviter la langue de bois. Revenue en force dans leurs discours ces dernières semaines.