Le 20 octobre, à Bordeaux, j’ai été parmi les électeurs de la journée. Un moment de pur bonheur… citoyen. Récit d'une journée historique...
Par Majdi Mgaïdia, à Bordeaux.
Comme tous les Tunisiens de France et d’ailleurs, je suis allé au grand rendez-vous de l’histoire de mon pays d’origine. Aller voter c’est aussi de mon devoir de citoyen pour que la Tunisie rompe totalement avec la dictature et s’aligne dans les rangs des démocraties.
A la fac, avec mes camardes, toutes origines confondues, on ne parle que de ça. On se dit : «Enfin ! Des élections libres... Oui c’est possible».
La casquette de journaliste
En ce premier jour des élections, il a fait assez beau pour un jour automnal, juste un petit air frisquet au petit matin. J’ai bousculé un peu de temps en milieu de la journée et j’ai été au bureau de vote où je me suis inscrit.
Nous sommes dans le quartier de Mériadek (résidence jardin de Gambetta), plus exactement à la Tour n°4 B. 428. Il était presque midi. Pas vraiment la foule devant ce bureau de vote où on a scotché sur les murs une affiche s’adressant aux électeurs tunisiens : «Le bureau de vote est au 1er étage», puis une autre indiquant l’horaire de 8h à 18 h. Bizarre !
Cette affiche m’a un peu titillé. Car, j’ai entendu au départ que l’horaire était fixé de 7h à 19 heures. Pour ceux qui travaillent, c’est beaucoup plus confortable. Deux heures avant et après le travail comptent énormément dans la journée.
Sans le vouloir, j’ai porté la casquette de journaliste et posé la question aux responsables de l’Irie. Sur ce, on a préféré rien me dire. Même le directeur de ce bureau s’est abstenu. Pour immortaliser ce beau moment, j’ai voulu prendre des photos de l’intérieur du bureau. C’était tellement beau ! On m’a refusé cette requête. Je comprends. Pas d’appareils photos, pas de portables... A l’exception des médias. Déçu, mais je n’ai pas jeté mon arme.
A la fois tenace et curieux, j’ai tenté de causer avec les uns et les autres. Et pu tirer quelques informations de cette merveilleuse journée.
Côté observateurs, à part le représentant d’un parti en lice, je n’ai vu personne à ce moment-là. Il faut dire que c’était entre midi et deux : la pause déjeuner ! Que sais-je ?
Un peu vers 13 heures, le nombre d’électeurs a commencé à gonfler peu à peu. Du coup, le couloir s’est rempli. Les cadets côtoient leurs aînés en file indienne. Femmes et hommes, bien disciplinés..., à chacun son tour. Seuls propos échangés : vive la démocratie, enfin nous votons. Pour ceux qui ont 30 ans et plus, ils ne savent même pas de quoi il s’agit. Il s’agit d’une première, pas seulement en Tunisie, mais dans toute la région. «La Tunisie bouge, la Tunisie change... Nous sommes fiers, notre pays est le pionnier, nous avons donné des leçons et dit au monde entier qu’il est possible de se débarrasser de la dictature», murmure-t-on.
La boutade du jour
W. J., membre d'une liste en lice dans la circonscription de France Sud se veut rassurant. Lorsque j’ai essayé de lui tirer un peu plus d’informations concernant les partis en lice qui s’affrontent sur les réseaux sociaux, M. Jomâa a répondu qu’il n’y aura pas de fraude et que les perdants vont accepter tout naturellement leur défaite. Les perdants, bien sûr, ce sont les autres.
Un membre de l'Irie a avancé 10% de participation jusqu’à midi de ce premier jour de vote. Une heure après, c’était le double.
Mes compatriotes étaient plutôt satisfaits de ce qui se passe, discrets aussi sur leur choix. Ils entrent, font leur devoir de citoyen, sortent, tout sourire, avec leur petit doigt tout en encre. Ils causent un petit peu et c’est fini. Au moment où je quittais la Tour, un groupe de 4 filles m’a interpellé. Après avoir parlé de tout et de rien, comme ça des généralités, elles m’ont demandé pour qui, j’ai voté. Je leur ai dit : pour Ennahdha. Elles n’ont pas cherché à savoir si je plaisantais ou pas. Elles ont arrêté la discussion et vite tourné leurs talons. Comme si je leur annonçais une catastrophe ! C’était ma boutade du jour.