Les Nahdaouis n’ont pas attendu l’annonce officielle du résultat des élections - qui a tardé à venir – pour exprimer leur joie. Ils se sont donné rendez-vous mardi soir devant le siège de leur parti à Montplaisir, à Tunis. Ambiance.

Reportage de Zohra Abid


Une ambiance bon enfant. Beaucoup d’émotion. Mais vraiment d’euphorie. D’un côté, les politiques se succèdent et font leur speech devant le QG d’Ennahdha. De l’autre, c’est la fête populaire avec des chants ponctués de Allah Akbar. On se croirait dans une fête de mariage célébrée dans un quartier populaire de Tunis.

Un triomphe à la Nahdhaoui

La foule qui a investi, depuis la fin de l’après-midi, plusieurs ruelles du quartier Montplaisir à Tunis ne cesse de gonfler au fil des minutes. Ils sont des centaines, des hommes et des femmes, des jeunes et moins jeunes, des barbus et des imberbes, plusieurs filles portant le voile, mais aussi d’autres en tenue occidentale. Quelques femmes en niqab, malgré tout. On les compte sur les doigts d’une seule main. Tout ce monde est venu de Tunis et des environs, mais aussi de l’intérieur du pays.


Elles ont longtemps attendu ce soir là

Partout, on brandit des drapeaux. Les couleurs du pays et celles d’Ennahdha en bleu et blanc flottent dans l’air. Les drapeaux de la Libye post-Kadhafi n’ont pas manqué à la fête nahdhaouie. Des gerbes de lumières éclairent la place. Les chaînes de télévision surtout arabes sont au rendez-vous.

Après le discours de Samir Dilou qui a dédié la victoire de son parti à tout le peuple tunisien sans exception, un autre militant est monté à la tribune appelant à la réconciliation et à l’amour de la patrie qui doit rester au-dessus de tout.
Au rendez-vous aussi, Maher Zin, un chanteur libanais, très apprécié par les Nahdhaouis. Il est venu spécialement du pays du Cèdre, rien que pour partager la victoire du parti islamiste tunisien. «Mabrouk à la Tunisie. Mille Mabrouk», a-t-il lancé à la foule pratiquement en liesse avant de commencer à chanter. Ses tubes ont été repris religieusement (sans jeu de mots) par les jeunes et moins jeunes, hommes et femmes. Les agents de sécurité d’Ennahdha ont quadrillé tout le quartier et veillé sur chaque détail.

La star d’un soir


Petits Nahdhaouis deviendront grands

22 heures. Un peu plus loin, deux femmes d’un certain âge, venues en famille pour se joindre à la foule, escaladent difficilement la pente d’un terrain envahi par de mauvaises herbes. Pas très loin, un soixante-huitard tient par la main sa petite fille. Il l’aide à traverser un buisson épineux et veille pour qu’elle ne glisse pas de la pente. Arrivée à la place éclairée, la petite monte sur le capot d’une voiture garée en face de l’écran géant. «C’est pour mieux voir Maher Zin!», dit-elle à son papy. Il la laisse faire. Une autre fille de son âge, se détache de sa maman et la rejoint. A la main un petit drapeau d’Ennahdha. Les deux filles connaissent par cœur les chants de leur idole.

De l’autre côté, au pied de l’immeuble colossal d’Ennahdha, on attend impatiemment l’arrivée du cheikh Rached Gahnnouchi. Entre-temps, un représentant d’un bureau régional a pris le micro. Il félicite et se félicite.

Un peu plus loin, un cercle de jeunes. Je m’approche et me présente. Un étudiant en droit dit à Kapitalis : «Je suis du bureau de l’Ariana. Je ne vous cache pas que le bureau exécutif a du pain sur la planche. Au niveau de la base, il y a beaucoup à faire. Il y a des conservateurs. Très nombreux. Entre les politiques et eux un vrai décalage.


La fête jusqu'au bout de la nuit

J’espère que notre élite pourra dialoguer avec eux et puisse les mettre dans le rang central... Et pas le contraire». Ce Nahdhaoui reproche à certains de ses camarades d’être encore rancuniers et de ne pas oublier leurs années de misère et de torture sous Ben Ali et sous Bourguiba. «Rien qu’à voir les attaques sur facebook, ça les rend plus durs encore. On les accuse toujours d’être des terroristes. Cela n’est pas beau. Or, c’est maintenant ou jamais pour faire un effort afin de ramener tout le monde sur le droit chemin», ajoute le jeune homme, en insistant sur la nécessité de calmer les plus radicaux, du côté islamiste et du côté moderniste.

Remettre sur pied un pays à genoux

22h30, la place est noire de monde. On se bouscule. Les uns ont le regard branché sur leur star, les autres du côté de la tribune placée au pied du siège du parti écoutent les discours de quelques militants et attendent la sortie de leur leader, Rached Ghannouchi. Les autres membres étaient invités pratiquement partout sur les plateaux de télé et les ondes de radios.


L'âge des roses

«Je sais que la tâche va être lourde pour ce gouvernement qui va tout reconstruire. Outre le travail sur la réconciliation nationale, il a à mettre debout le pays laissé à genoux par Ben Ali. Mais je reste tout de même confiant et surtout optimiste. Nous avons des têtes pensantes dans le parti. Ils ont été certes de l’opposition, mais ils sauront tenir comme il faut le pays. Surtout s’ils font alliance avec Marzouki et/ou Ben Jâafar», ajoute encore l’étudiant en droit.

Des chants, des tambours battants, des Allah Akbar et des slogans… On crie, en arabe : «Achaab Yourid Ennahdha Min Jadid» (Le peuple veut le retour d’Ennahdha)…

Il est presque 23 heures. Le leader Rached Ghannouchi tarde encore à apparaître. Les gens s’impatientent, ont soif. Le café d’à côté ne désemplit pas. La place déborde. Les gens continuent à affluer... et se disent prêts à passer leur nuit sous le ciel étoilé. Ils ont longtemps attendu ce moment et ça ne les dérange pas d’attendre encore. Du côté de l’Isie, l’annonce officielle des résultats prévue dans la journée, puis dans la soirée tarde aussi à venir... Dernière info : ça va être pour mercredi. D’ici là, la fête pourra continuer…

Normal 0 21 false false false FR X-NONE X-NONE MicrosoftInternetExplorer4

Tunisie. Les Nahdhaouis font la fête

Les Nahdaouis n’ont pas attendu l’annonce officielle du résultat des élections - qui a tardé à venir – pour exprimer leur joie. Ils se sont donné rendez-vous mardi soir devant le siège de leur parti à Montplaisir, à Tunis. Ambiance. Reportage de Zohra Abid

Une ambiance bon enfant. Beaucoup d’émotion. Mais vraiment d’euphorie. D’un côté, les politiques se succèdent et font leur speech devant le QG d’Ennahdha. De l’autre, c’est la fête populaire avec des chants ponctués de Allah Akbar. On se croirait dans une fête de mariage célébrée dans un quartier populaire de Tunis.

Un triomphe à la Nahdhaoui

La foule qui a investi, depuis la fin de l’après-midi, plusieurs ruelles du quartier Montplaisir à Tunis ne cesse de gonfler au fil des minutes. Ils sont des hommes et des femmes, des jeunes et moins jeunes, des barbus et des imberbes, plusieurs filles portant le voile, mais aussi d’autres en tenue occidentale. Quelques femmes en niqab, tout de même. On les compte sur les doigts d’une seule main. Tout ce monde est venu de Tunis et environs, mais aussi de l’intérieur du pays.

Partout, on brandit des drapeaux. Les couleurs du pays et celles d’Ennahdha en bleu et blanc flottent dans l’air. Les drapeaux de la Libye post-Kadhafi n’ont pas manqué à la fête nahdhaouie. Des gerbes de lumières éclairent la place. Les chaînes de télévision surtout arabes sont au rendez-vous.

Après le discours de Samir Dilou qui a dédié la victoire de son parti à tout le peuple tunisien sans exception, un autre militant est monté à la tribune appelant à la réconciliation et à l’amour de la patrie qui doit rester au-dessus de tout.

Au rendez-vous aussi, Maher Zin, un chanteur libanais, très apprécié par les Nahdhaouis. Il est venu spécialement du pays du Cèdre, rien que pour partager la victoire du parti islamiste tunisien. «Mabrouk à la Tunisie. Mille Mabrouk», a-t-il lancé à la foule pratiquement en liesse avant de commencer à chanter. Ses tubes ont été repris religieusement (sans jeu de mots) par les jeunes et moins jeunes, hommes et femmes. Les agents de sécurité d’Ennahdha quadrillent tout le quartier et veillent sur tous les détails.

La star d’un soir

22 heures. Un peu plus loin, deux femmes d’un certain âge, venues en famille pour se joindre à la foule, escaladent difficilement la pente d’un terrain envahi par de mauvaises herbes. Pas très loin, un soixante-huitard tient par la main sa petite fille. Il l’aide à traverser un buisson épineux et veille pour qu’elle ne glisse pas de la pente. Arrivée à la place éclairée, la petite monte sur le capot d’une voiture garée en face de l’écran géant. «C’est pour mieux voir Maher Zin!», dit-elle à son papy. Il la laisse faire. Une autre fille de son âge, se détache de sa maman et la rejoint. A la main un petit drapeau d’Ennahdha. Les deux filles connaissent par cœur les chants de leur idole.

De l’autre côté, au pied de l’immeuble colossal d’Ennahdha, on attend impatiemment l’arrivée du cheikh Rached Gahnnouchi. Entre-temps, un représentant d’un bureau régional a pris le micro. Il félicite et se félicite.

Un peu plus loin, un cercle de jeunes. Je m’approche et me présente. Un étudiant en droit dit à Kapitalis: «Je suis du bureau de l’Ariana. Je ne vous cache pas que le bureau exécutif du travail a du pain sur la planche. Au niveau de la base, il y a beaucoup à faire. Il y a des conservateurs. Très nombreux. Entre les politiques et eux un vrai décalage. J’espère que notre élite pourra dialoguer avec eux et puisse les mettre dans le rang central... Et pas le contraire». Ce Nahdhaoui reproche à certains de ses camardes d’être encore rancuniers et qu’ils n’arrivent pas encore à oublier leurs années de misère et de torture sous Ben Ali et sous Bourguiba. «Rien qu’à voir les attaques sur facebook, ça les rends plus durs encore. On les accuse toujours d’être des terroristes. Cela n’est pas beau. Or, c’est maintenant où jamais pour faire un effort afin de ramener tout le monde au droit chemin», ajoute le jeune homme, en insistant sur la nécessité de calmer les plus radicaux, du côté islamiste et du côté moderniste.

Remettre sur pied un pays à genoux

22h30, la place est noire de monde. On se bouscule. Les uns ont le regard branché sur leur star, les autres du côté de la tribune placée au pied du siège du parti écoutent les discours de quelques militants et attendent la sortie de leur leader, Rached Ghannouchi. Les autres membres étaient invités pratiquement partout sur les plateaux de télé et les ondes de radios

«Je sais que la tâche va être lourde pour ce gouvernement qui va tout reconstruire. Outre le travail sur la réconciliation nationale, il a à mettre debout le pays laissé à genoux par Ben Ali. Mais je reste tout de même confiant et surtout optimiste. Nous avons des têtes pensantes dans le parti. Ils ont été certes de l’opposition, mais ils sauront tenir comme il faut le pays. Surtout s’ils vont faire alliance avec Marzouki et/ou Ben Jâafar», ajoute encore l’étudiant en droit.

Des chants, des tambours battants, des Allah Akbar et des slogans… On crie, en arabe : «Achaab Yourid Ennahdha Min Jadid» (Le peuple veut le retour d’Ennahdha)…

Il est presque 23 heures. Le leader Rached Ghannouchi tarde encore à apparaître. Les gens s’impatientent, ont soif. Le café d’à côté ne désemplit pas. La place déborde. Les gens continuent à affluer... et se disent prêts à passer leur nuit sous le ciel étoilé. Ils ont longtemps attendu ce moment et ça ne les dérange pas d’attendre encore. Du côté de l’Isie, l’annonce officielle des résultats prévue dans la journée, puis dans la soirée tarde aussi à venir... Dernière info : ça va être mercredi. D’ici là, la fête pourra continuer…