«Les promesses n’engagent que ceux qui y croient», disait Charles Pasqua. C’est pour cela que je préfère envoyer des messages postélectoraux que de présenter des revendications préélectorales. Je serais concis et direct.
Par Maître Taoufik Ouanes*
A tous les élus : Au contraire de ce que se disaient, lors des dernières décades et ce que persiste à dire encore, certains esprits chagrins, le peuple tunisien s’est montré digne de la démocratie. Le critère étant combien et comment on vote et non pas pour qui on vote. Le bon déroulement des élections et non ses résultats est l’indicateur du sens civique des peuples.
Dans ce sens, le spectacle du 23 octobre a été une fierté nationale. C’est aux élus maintenant de se montrer dignes de ce peuple, loué par Abou El-Kacem Chebbi et aimé par Farhat Hached.
Messieurs et mesdames les élus vous devez être à la hauteur de la dignité du peuple et ne pas mettre en péril les acquis de sa révolution. Dans cette perspective, vos différences et vos ambitions ne sont que détails éphémères.
Alors ne cassez pas la machine démocratique et ne détruisez pas l’outil économique de la Tunisie.
A Ennahdha : Le peuple vous a mis au premier rang de son choix et l’histoire a rendu justice à votre lutte. Ceci doit être non seulement accepté par tous, mais également respecté et compris. Vos 40% des suffrages expriment une préférence et une confiance, mais pas une reconnaissance que vous êtes l’unique dépositaire de la vérité absolue.
Tout au long de la campagne votre discours a été modéré et rassurant. Certains vous ont adressé l’accusation du «double discours» et vous ont fait un procès sommaire d’intentions. Maintenant c’est à vous d’apporter, par l’action, un démenti clair à ces accusations et à ce procès.
La polémique sur l’identité du peuple tunisien lors de la campagne électorale était aussi stérile que dangereuse. La vraie question – et sans polémique – est celle de la composante humaniste et moderniste de l’identité de ce peuple. Il ne faut jamais la sous-estimer ni la négliger. Cette dimension se fonde nécessairement sur les droits de l’homme, et spécialement ceux des femmes. La liberté de la parole et de la presse est devenue un acquis chèrement payé. Le spectacle extraordinaire de la diversité des médias en forme, nombre et contenu, ne devrait jamais être mis en cause, y compris dans le secteur public.
Enfin, Ennahdha majoritaire devrait être très sourcilleux sur les droits des minorités politiques aussi bien au sein des institutions qu’au sein du peuple. La violation des droits des minorités politiques, dont Ennahdha a souffert pendant des décades, ouvre la porte à la tentation totalitaire. Ennahdha ne devra jamais céder à une telle tentation quelle que soit sa force ou sa conviction.
Au Cpr : Votre militantisme a payé et votre discours a été entendu. Maintenant il s’agit de jouer un rôle continu et serein pour faire avancer vos idéaux et les dossiers urgents de la révolution, tels que la mise en œuvre d’une justice prompte et efficace et l’appliquer aux caciques de l’ancien régime et à la récupération des biens du peuple volés.
Vous avez aussi un rôle important pour faire des propositions alternatives dans tous les domaines afin de contribuer à prendre des décisions aussi bien consensuelles que créatives.
A El-Aridha : Ni votre succès ni votre discours populiste ne me font peur. Il en existe dans toutes les sociétés, même en Suisse et en Autriche. Des Tunisiens vous ont choisis et c’est leur droit et votre droit. Ce qui me fait un peu mal, ce sont la désillusion et le goût amer qu’auront ceux qui ont confondu un bulletin de vote avec un ticket de Promosport en espérant un gain facile, important et immédiat.
Une seule chose. Ne faites rien qui puisse tourner notre fête en cauchemar. Le monde politique doit vous tolérer, et vous respecter. Mais en retour, vous devez respecter la démocratie et ses résultats tout en révisant sérieusement la faisabilité de vos promesses et l’honnêteté de vos moyens, si vous voulez garder le respect du peuple tunisien.
A Ettakatol : C’est le moment historique pour que votre modération et votre pondération jouent leur rôle pour préserver notre démocratie. Plus qu’un arbitre, soyez la passerelle entre le pouvoir et l’opposition. Privilégiez la synthèse à la confrontation. La personnalité et l’ouverture de Ben Jaâfar pourra largement y contribuer.
Au Pdp et au Pôle : Ni les militants ni les dirigeants n’ont démérité. Par contre les discours, les méthodes et les argumentaires devraient être profondément revus. Vous l’avez dit vous-mêmes ces derniers jours. En démocrates, vous avez accepté le rôle de l’opposition. Faites qu’elle soit positive et constructive. Vous en avez la capacité et la conviction.
Ah ! J’allais oublier ! Merci SI Béji et Bon vent !
* Avocat et ancien fonctionnaire de l’Onu.