Qu’est-ce qui se cache derrière la réapparition des anciennes figures et thuriféraires du dictateur déchu ? L’ancien système est-il en train de se remettre en place ?
Ce sont d’anciens cadres de l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel progressistes (Rcd), qui ont travaillé en coulisses pour la promotion des listes d’Al-Aridha Al-Chaabia (La Pétition populaire). Résultat : ces listes ont remporté 26 sièges à l’Assemblée constituante et se sont imposées comme la troisième force politique du pays.
Des sources ont parlé de la présence d’anciens Rcdistes dans la délégation officielle pour le pèlerinage de la Mecque.
Les revenants se bousculent au portillon
Hedi Djilani, ex-membre du comité central du Rcd, ancien patron des patrons (1988-2011) et parent par alliance des Ben Ali et Trabelsi, a fait une apparition publique fort remarquée, jeudi, lors de la rencontre de Hamadi Jebali, secrétaire général du parti Ennahdha et futur Premier ministre, avec les opérateurs du tourisme, à l’hôtel Acropole dans les Berges du Lac.
Par ailleurs, d’ex-hauts responsables de l’ancien régime, tel Abbès Mohsen, ancien maire de Tunis, et plusieurs journalistes proches de Ben Ali et Leïla Trabelsi, ont été vus parmi les invités de la présidence de la République, lors de la cérémonie organisée en début de semaine, au Palais de Carthage, à l’occasion de l’Aïd El Kebir.
Face à ces réapparitions intempestives – mais fort opportunes – lors de cérémonies officielles ou publiques, habituellement très encadrées, on peut se poser des questions sur la volonté (ou non) du gouvernement provisoire et de l’administration publique de rompre avec le lourd héritage de la dictature. Et avec ses serviteurs les plus zélés.
Et d’ailleurs, qui établit les listes des invités ? Et quels sont les critères adoptés ? Est-ce qu’on cherche, en distillant ainsi à dose homéopathique les réapparitions publiques des figures de l’ancien régime, à banaliser l’impunité et à faciliter le rétablissement de l’ancien système politico-financier. Exit les Ben Ali et les Trabelsi, mais «business as usual» ?
Les Rcdistes se laissent pousser la barbe
On peut avoir des craintes à ce sujet, d’autant que d’anciens collaborateurs et obligés de Ben Ali sont en train de se laisser pousser la barbe ; et ils vont sans doute bientôt faire des apparitions lors des prières du vendredi dans les mosquées fréquentées par les futurs maîtres du pays.
On peut craindre aussi que le nouveau gouvernement en cours de constitution, et qui semble poursuivre une politique de la main tendue, ne soit phagocyté par les ronds de cuir de l’ancien système, qui hantent tous les rouages de l’administration.
Donc vigilance, pour éviter une Kasbah 4. Car les Tunisiens ne se laisseront pas faire, d’autant que les islamistes du parti Ennahdha, vainqueurs des élections du 23 octobre, et qui cherchent la reconnaissance à tout prix, se montrent prêts à certaines compromissions.
Imed Bahri