Les membres et bénévoles du bureau de vote de Montréal sont indignés par la position de l’Isie, qui a défendu le président de l’Irie des deux Amériques arrivé en état d’ivresse et perturbant le scrutin, le 22 octobre, à Montréal.

Par Sarra Guerchani, correspondante à Montréal.


Le 5 novembre dernier, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) publie un communiqué, repris sur le site de l’agence Tap. La publication est survenue suite aux différentes plaintes émises par les bureaux de vote à Montréal contre le président de l’Instance régionale indépendante pour les élections, Faouzi Ben Abdessamad. Ce communiqué, qui prend la défense de ce dernier, suscite l’indignation des membres et des bénévoles du bureau de vote de Montréal.

Le président arrive en état d’ivresse

Suite aux articles parus sur ‘‘Kapitalis’’ et ‘‘Mosaïque FM’’, respectivement le 31 octobre et le 1er novembre, au sujet du président de l’Irie des deux Amériques et reste de l’Europe, Faouzi Ben Abdessamad, arrivé en état d’ivresse et perturbant la fin du scrutin le 22 octobre, les bénévoles, les présidents des bureaux de vote de Montréal et les représentants des partis politiques et de l’Atide ont envoyé leurs rapports et leurs plaintes à l’Isie.

Ces derniers s’attendaient à un soutien de la part de cette instance. Mais, à leur plus grande surprise, c’est tout le contraire qui s’est produit. Le communiqué du 5 novembre les a littéralement choqués. Car il les accuse d’avoir émis des menaces à l’encontre des membres de l’instance régionale. «Le bureau de l’Isie a dénoncé les menaces proférées contre les membres des Irie dans les circonscriptions électorales à l’étranger, notamment […] à Montréal», indique ce communiqué.


Un bureau de vote à Montréal

Or, toutes les personnes présentes le jour de l’incident démentent ces propos : «J’ai mentionné l’incident dans mon rapport à l’Atide et ensuite je leur ai fait un courrier dans lequel j’ai confirmé qu’il n’y a jamais eu de menace de notre part envers qui que ce soit. Les seules menaces constatées, le 22 octobre dernier, sont celles émanant de Faouzi Ben Abdessamad, qui a menacé de démettre plusieurs membres du bureau le dernier jour du scrutin», témoigne Sadok Aidi, représentant de l’Atide au bureau de Montréal 2.

Manque de transparence de l’Isie

Les rapports que Kapitalis s’est procuré vont tous dans ce sens. Un extrait de celui de Sadok Laajimi représentant du Parti démocratique progressiste (Pdp), qui a assisté à la regrettable scène du président de l’Irie, le 22 octobre, le confirme : «Veuillez noter que durant tous les évènements que je décris ci-haut, je n’ai observé aucune attitude violente ou menace quelconque envers M. Ben Abdessamad par aucun des membres du bureau de vote en question, incluant son président, ni de la part d’aucune des personnes présentes d’ailleurs».

Toutes les personnes du bureau de Montréal sont indignées face au manque de professionnalisme et de transparence de l’Isie. Le président du bureau de vote de Montréal 2, Mourad Chtioui, est choqué et souhaite dénoncer ces méthodes antidémocratiques de l’Isie : «Nous avons envoyé un rapport à l’Instance supérieure afin de pousser cette institution dite indépendante à prendre des sanctions à l’encontre de Fouazi Ben Abdassamad, mais, à notre plus grande surprise, l’Isie, qui est supposée être la pierre angulaire de cette démocratie naissante, s’avère  truffée de personnages dont les pratiques n’ont rien à envier à celles antidémocratiques répandues sous le régime de Ben Ali», souligne le président du bureau de vote. Il ajoute : «Au lieu d’assumer leur responsabilité devant les citoyens tunisiens et d’ouvrir une enquête interne sérieuse pour déterminer les responsabilités et réagir en conséquences, l’Isie se borne à défendre avec entêtement et sans aucune transparence ni objectivité cet individu malgré tous les témoignages qui s’entrecroisent».

Cette indignation est partagée par plusieurs personnes présentes, le dernier jour du scrutin à Montréal. «Ce qui s’est passé, ce samedi-là, m’a beaucoup rappelé les aberrations de l’ancien régime. Je vais rédiger une lettre au directeur de l’Isie. Nous devons tout faire pour que les gens qui se croient au-dessus des lois, juste parce qu’ils ont une position quelconque, soient définitivement mis hors d’état de nuire», souligne le représentant du Pdp. Qui ajoute : «Je veux souligner que le président du bureau de vote a fait  preuve de professionnalisme, de retenue et de sang froid qui m’ont impressionné, face au comportement de Faouzi Ben Abdessamad».

L’Instance Kamel Jendoubi manque à son éthique

Dans leur communiqué, les responsables de l’Isie ont montré un soutien indéfectible à Faouzi Ben Abdessamad. La question qui se pose est la suivante : sur quoi et sur quels témoignages, les membres de l’Instance supérieure se sont basés pour s’engager à soutenir publiquement, dans le communiqué du 5 novembre, le président de l’Irie des deux Amériques et du reste de l’Europe ?

En effet, un des membres du bureau de l’Irie à Montréal, Walid Fraj, qui était présent le soir du 22 octobre et qui tentait tant bien que mal de calmer son président, a accepté de répondre aux questions de Kapitalis. Selon lui, bien que l’Isie ait plusieurs dossiers à traiter, la réaction de l’Instance supérieure reste inacceptable. «L’attitude de Faouzi Ben Abdessamad n’a certes pas affecté le scrutin de Montréal. Cependant, ce que je trouve inadmissible, c’est qu’aucun membre de I’Isie ne nous a contactés pour avoir des précisions sur l’incident du 22 octobre. Nous avons envoyé un rapport à l’Instance supérieure. La moindre des choses c’était de le prendre en considération», dit M. Fraj. Il renchérit : «Le communiqué de l’Isie, le 5 novembre, est inadmissible et incompréhensible. Il est arbitraire et non fondé».

En effet, cette instance censée montrer l’exemple a failli aux procédures internes de l’institution en se montrant politiquement incorrecte. Après avoir rempli son contrat d’organiser les élections tunisiennes aux quatre coins du globe, elle serait sur le point de devenir une instance permanente dans le pays. Peut-être que cela pourrait expliquer le fait qu’elle souhaite étouffer l’affaire du président de l’Irie à Montréal, afin de sauver les apparences et de maintenir une image de neutralité, d’indépendance et d’efficacité aux yeux des citoyens, ou peut-être que des membres de l’Isie cherchent, tout simplement, à protéger les intérêts et la réputation de Faouzi Ben Abdessamad, étant donné les liens d’amitié entre ce dernier et des membres de l’Isie ?

Dans les deux cas, l’Instance supérieure démontre que les pratiques de l’ancien régime ne sont pas complètement révolues !

Lire aussi :

Tunisie. Comment le président de l’Irie a failli faire annuler le scrutin à Montréal