Rached Ghannouchi, effectue depuis samedi, une visite de trois jours à Alger, la seconde depuis la chute de Ben Ali. Il cherche à rassurer ses hôtes sur la continuité des relations entre les deux pays.
La première visite du leader du parti islamiste Ennahdha à Alger remonte à l’été dernier. Il avait pris part aux obsèques de l’ex-président de l’Association des oulémas musulmans d’Algérie, Abderrahmane Chibane. Ghannouchi avait alors été reçu par Abdelaziz Belkhadem, représentant officiel du président Abdelaziz Bouteflika.
Un accueil digne d’un représentant officiel
Au cours de sa seconde visite, M. Ghannouchi, auréolé du succès de son parti à l’élection de l’Assemblée constituante, le 23 octobre, «a bénéficié d’un accueil digne d’un représentant officiel de la Tunisie alors qu’il n’a aucune fonction dans le gouvernement», notent nos confrères de ‘‘Liberté’’. Qui trouvent dans cet accueil «un cadeau à l’islamisme» et «un geste malvenu» de la part de l’Algérie.
Cette visite, dont le programme comprend un dîner officiel avec le président algérien, intervient après la double rencontre récemment, à Doha, entre le président Bouteflika et Mustapha Abdeldjalil, chef du Conseil national de transition (Cnt) libyen. Ce «qui apparaît comme l’expression d’une volonté [officielle algérienne] de recomposer la scène politique à la lumière des ‘‘révolutions’’ détournées», note encore ‘‘Liberté’’.
«En agissant avec autant d’égards et de protocole avec le leader islamiste [tunisien], les autorités algériennes réorientent et recadrent leur position de manière surprenante puisqu’elles lancent un véritable signal aux islamistes, à ceux de la ligue des Frères musulmans. Un signal que ne manquera pas de capitaliser et d’exploiter les islamistes algériens de cette mouvance, eux qui sont à l’affût, prêts à s’engouffrer dans la moindre brèche», souligne le même journal, proche des milieux laïcs et de l’armée. Il ajoute que Bouteflika «semble succomber à la mode qui fait le distinguo entre islamistes extrémistes et modérés pour accepter d’intégrer, sans risque, les seconds dans le jeu politique démocratique et ouvert.»
Dissiper les inquiétudes algériennes
Ghannouchi a déjà séjourné à Alger dans les années 1980. C’est en Algérie qu’il a trouvé refuge après sa fuite de Tunisie en 1991, mais il n’a pas tardé à être invité à quitter ce pays pour se rendre à Londres, en Grande-Bretagne, où il a maintenu des contacts avec le Front islamique du salut (Fis) algérien, alors en pleine ascension.
«Les cadres d’Ennahdha ont séjourné plusieurs fois à Alger lors de la campagne électorale pour l’assemblée constituante. Ce qui est un indice de plus du recentrage de la position officielle algérienne vis-à-vis de la mouvance islamiste», écrit encore ‘‘Liberté’’.
Vue de Tunis, cette visite de Ghannouchi vise à dissiper les inquiétudes algériennes face à l’arrivée aux affaires d’un gouvernement dirigé par une coalition conduite par Ennahdha. Il est à parier que la première visite à l’étranger de Hamadi Jebali, prochain Premier ministre, sera aussi à Alger. La date aurait même peut-être déjà été discutée entre Ghannouchi et ses hôtes algériens. Wait and see…
Imed Bahri