Après une nuit très agitée avec incendies de nombreux établissements publics, les autorités ont décrété le couvre-feu dans le gouvernorat de Gafsa. Cause des violences : l’emploi.
Par Zohra Abid
Un calme précaire règne, jeudi, en début de journée, dans les villes d’Oum Larayes et Mdhilla (Gafsa, sud-ouest) après une nuit de violences ayant suivi la proclamation des résultats du concours de recrutement de la Compagnie des phosphates de Gafsa (Cpg), seul grand employeur de la région.
Le casse-tête du chômage
Les agitations sociales dans le bassin minier de Gafsa, souvent déclenchées par la proclamation des résultats des concours de recrutement de la Cpg, ne datent pas d’aujourd’hui. Elles ont commencé en janvier 2008 et se sont poursuivies depuis à intervalles réguliers. Au lendemain de la révolution, les autorités ont établi des critères plus stricts et plus justes pour le choix des recrues. Elles ont veillé aussi à la transparence de l’opération, mais les résultats continuent d’être contestés par les candidats recalés et leurs familles.
Pour revenir aux agitations d’hier soir, il convient de noter qu’à Mdhilla, des jeunes, contestant les résultats du concours, ont incendié mercredi soir les postes de police et de la garde nationale ainsi que le siège de la municipalité et une partie du district de la Cpg, selon le directeur régional de la protection civile à Gafsa, cité par l’agence Tap. Un parking et plusieurs équipements de transport relevant de la société ont été, également, mis à feu. Des pneus en flammes ont été posés à l’entrée de la ville, ce qui a retardé l’intervention des équipes de la protection civile jusqu’à l’arrivée des renforts de l’armée et de la police. Les violences ont duré jusqu’à 4 heures du matin.
Dans la délégation d’Om Larayes, des jeunes ont incendié un poste de police et pillé un entrepôt appartenant à la Cpg.
Quelque 530 jeunes de Mdhilla ont été admis au concours de recrutement organisé par la Cpg, contre 605 à Oum Larayes. Les résultats de ce concours à Métlaoui et Redeyef devaient être annoncés aujourd’hui. Il y a peu de chance qu’ils le soient, vu les tensions sociales actuelles dans cette région frondeuse, qui a beaucoup contribué à la révolution tunisienne en donnant de nombreux morts et blessés, mais qui attend toujours de cueillir les fruits des sacrifices de ses enfants.
Une bombe à retardement
Le malaise social dans le bassin minier de Gafsa, qui est le fruit de cinq décennies de mauvaise planification économique, a été aggravé par la crise économique et la conjoncture difficile dans le pays, qui compte plus de 700.000 chômeurs, dont la majorité provient des régions intérieures, longtemps défavorisées par les programmes de développement élaborés par le pouvoir central à Tunis.
C’est là un véritable casse-tête – et une bombe à retardement – pour le prochain gouvernement, légitime s’il en est, puisqu’il sera issu de l’Assemblée nationale constituante élue le 23 octobre dernier.
Hamadi Jebali, le secrétaire général du parti islamiste d’Ennahda, et probable prochain Premier ministre, saura-t-il, avec son équipe, trouver les solutions rapides, alors que la durée de vie de son gouvernement ne doit pas outrepasser un an ou, au mieux, un an et demi, avant de remettre la patate chaude au gouvernement suivant ? Rien n’est moins sûr.
Aussi, la solution est-elle, d’abord, politique. Il va falloir aux nouveaux responsables politiques trouver les mots qu’il faut pour faire patienter une population qui n’en peut plus d’attendre… Godot. Est-ce encore possible ?