L’ancien Premier ministre libyen sous le régime de Kadhafi, sera-t-il finalement extradé aux autorités libyennes, qui en ont fait officiellement la demande ? Rien est moins sûr, mais la partie est très serrée.

Par Imed Bahri


 

La Chambre de mise en accusation de la cour d’appel de Tunis a prononcé, vendredi soir, la décision d’extradition de Baghdadi Mahmoudi, après avoir rejeté, le même jour, la demande du report de l’examen de son affaire présentée par ses avocats.

Une «patate chaude» pour Marzouki

Me Mabrouk Kourchid, coordinateur du comité de défense de Mahmoudi, cité par l’agence Tap, s’est déclaré déçu par la décision de la Cour d’appel, précisant que l’audience de vendredi s’est déroulée en l’absence de son client et de la défense. Le maintien en détention de Mahmoudi devient injustifié, dès lors que la décision d’extradition a été prononcée, a-t-il ajouté, plaidant, à ce propos, pour la libération immédiate de son client en attendant que le président de la République par intérim statue sur son extradition.

Me Kourchid avait auparavant demandé au président de la République par intérim, de ne pas signer le décret d’extradition. Il y a peu de chance que Foued Mebazaa se prononce sur ce sujet pendant les deux ou trois semaines qui lui restent au Palais de Carthage. C’est son successeur, très probablement Moncef Marzouki, le candidat au poste porté par la coalition majoritaire (Ennahdha, Cpr, Ettakatol), qui devra statuer sur ce cas. Et il y a de fortes chances qu’il décide de ne pas donner suite à la décision du tribunal. Co-fondateur et ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (Ltdh), Dr Marzouki est en effet un grand défenseur des droits humains. Et il estimera que la situation en Libye n’est pas propice à assurer un procès équitable à M. Mahmoudi.

Des menaces libyennes

Il convient de noter que ce dernier, détenu en Tunisie où il avait été arrêté alors qu’il tentait de s’enfuir en Algérie, n’a pas assisté à la séance de vendredi après avoir été averti, par des sources sécuritaires tunisiennes, que sa vie aurait été en danger.

De nombreux Libyens ont été arrêtés récemment en Tunisie en possession d’armes de toutes sortes. Seraient-ils chargés d’actions de représailles contre certains proches du régime déchu réfugiés en Tunisie, dont M. Mahmoudi ? On pourrait raisonnablement le craindre.

Par ailleurs, des voix s’élèvent en Libye pour menacer la Tunisie (et les travailleurs tunisiens en Libye) de représailles si le gouvernement tunisien ne donne pas suite à la demande libyenne d’extradition de Mahmoudi.

Autant dire que, sur ce dossier, la marge de manœuvre de la Tunisie est très serrée. Ses futures relations avec la Libye, qui se présentent jusque-là sous de bons auspices, pourraient en souffrir.

La Tunisie sur un toit brûlant

Ainsi donc, près avoir offert refuge à des centaines de milliers de réfugiés libyens – et étrangers fuyant la Libye –, durant les mois de la révolution libyenne, la Tunisie se trouve aujourd’hui face à un dilemme : répondre aux demandes pressantes des révolutionnaires libyens, notamment celle relative à l’extradition de M. Mahmoudi, ou respecter ses engagements internationaux en matière de respect des droits de l’homme, sachant que la communauté internationale verrait d’un mauvais œil l’extradition de l’ancien Premier ministre de Kadhafi.

Ce dossier sera, on s’en doute, l’un des plus importants que le gouvernement issu de l’Assemblée nationale constituante aura à gérer aux plans international et national, sachant que les relations avec la Libye ont de très fortes incidences intérieures, notamment sur les flux commerciaux et de travailleurs.

La Tunisie, qui compte plus de 700.000 chômeurs, soit autant d’agitateurs potentiels en cette difficile période de transition, a besoin de maintenir de bonnes relations avec la Libye, ne fut-ce que pour y diriger une partie de sa main d’œuvre, dans le bâtiment et les services, dont ce pays va avoir besoin pour sa reconstruction.