Zine El Abidine Ben Ali, Abdallah Kallel et Mohamed Ali Ganzoui ont été condamnés à, respectivement 5, 4 et 3 ans de prison dans l’affaire connue sous le nom de «Baraket Sahel».


Ce jugement a été prononcé mardi soir par la chambre correctionnelle du tribunal militaire permanent de première instance de Tunis. Les trois prévenus étaient, respectivement, au moment des faits, président de la République, ministre de l’Intérieur et directeur général de la Sûreté nationale. Le premier a été jugé par contumace (il est en fuite en Arabie Saoudite), alors que les deux autres, en détention, étaient présents à l’audience.

Une affaire montée de toutes pièces

Flash back. En mai 1991 : l’ancien président chef suprême des forces armées a mobilisé son appareil de répression et notamment la direction générale de la Sûreté de l’Etat pour procéder à un écrémage méthodique de l’Armée nationale. Pour cela, il fallait trouver un motif fabriqué de toutes pièces : inculper les meilleurs cadres de l’Armée d’appartenance au mouvement islamiste Ennahdha et de préparation d’un coup d’Etat.

C’était l’affaire bien connue de «Barraket Essahel» : un groupe d’officiers injustement accusés d’avoir tenu une réunion dans cette bourgade proche de Hammamet, pour préparer un coup d’Etat militaire. Aveux extorqués sous la torture, procès iniques, lourdes peines de prison, carrières brisées, harcèlements pour les familles, et ce jusqu’au 14 janvier et la chute du régime dictatorial.

Lors des plaidoiries, lundi matin, les avocats des 3 anciens responsables ont surtout insisté sur l’incompétence du tribunal.

5 ans de prison au moins

Me Najet Laabidi, l’un avocats des victimes, a indiqué que le renvoi de l’affaire devant la justice militaire repose sur un fondement délictuel, ajoutant que la torture est «un crime» passible d’une peine de 5 ans de prison en cas d’incapacité permanente des victimes dont le taux ne dépasse pas 20%. Or, la plupart des militaires lésés dans cette affaire ont subi des préjudices corporels excédant 20%, voir 55% pour le requérant Salem Kadroun. L’avocate a indiqué que le renvoi de l’affaire devant la justice militaire s’est fondé sur l’article 101 Bis du code pénal, ajoutant que cet article n’est pas applicable dans le cas d’espèce, dès lors qu’il est entré en vigueur après la commission des actes de torture. Qualifier les actes de torture commis contre ses clients de simples délits, constitue une injustice flagrante, a-t-elle soutenu.

Bassem Ben Salem, avocat à la Cour, a appelé le tribunal à déclarer son incompétence dans l’affaire et à la décliner en faveur de la chambre criminelle, dès lors que les actes de torture commis contre les victimes sont par définition des «crimes» et non des «délits». Les victimes, a-t-il dit, étaient des années durant, devant l’impossibilité d’intenter un recours contre les auteurs de ces crimes, citant, à ce propos, l’immunité présidentielle et parlementaire qui laissaient certains accusés dans l’impunité, ajoutant que les requérants subissaient des peines privatives de liberté qui ont atteint dans certains cas 15 ans de prison et étaient soumis à la surveillance administrative jusqu’au 14 janvier dernier.

«Eu égard aux souffrances infligées aux victimes, on peut estimer que les peines prononcées sont relativement clémentes. Elles auraient pu être, en tous cas, plus lourdes», a estimé l’un des avocats présents au procès.

I. B.