Des éléments armés libyens multiplient les atteintes à l’intégrité territoriale et à la sécurité de la Tunisie. Ces atteintes n’ont pas laissé insensibles des Libyens. Qui appellent à la raison.

Par Zohra Abid


Loin de toute décision émanant d’une quelconque instance politique, des citoyens libyens ont pris l’initiative de s’adresser à leurs voisins tunisiens les appelant à l’union et à ne pas laisser des intrus les diviser.

Ces Libyens ont fait circuler sur le réseau social Facebook, dans la nuit du samedi à dimanche, un message adressé à leurs «frères» tunisiens les priant de ne pas succomber aux provocations d’une minorité qui pourrait être conduite par des poches de résistance issues des anciennes dictatures de Ben Ali et de Kadhafi et qui chercheraient à semer la zizanie entre les deux voisins.

Continuez de nous soutenir !

«Ce qui se passe actuellement en Libye est causé par le vide politique et l’absence d’un Etat maîtrisant la situation. Toutes les atteintes commises ces derniers jours en Tunisie ou en Libye n’ont pas de raison d’être. Nous vous demandons de continuer de nous soutenir (et de nous supporter) en ces temps difficiles comme vous l’avez toujours fait. Et celui qui faute, n’hésitez pas à le punir et à appliquer contre lui la loi. Merci de ne pas généraliser. Car les malfaiteurs ne peuvent pas nous représenter. Les Libyens ne peuvent pas être ingrats», lit-on dans ce message. Il y est écrit aussi que les Libyens sont braves et reconnaissants, et ils ont découvert l’étoffe (et le vrai visage) de leurs voisins et frères tunisiens dans les moments les plus difficiles. «Ne laissons pas le diable enfoncer un coin entre nous», ajoute le message qui se termine par un très amical «Remercier les Tunisiens tous les jours n’est jamais assez».

Souvenons-nous : le 26 novembre, un avion de Tunisair avait été empêché par des rebelles armés de décoller pendant près de 7 heures de l’aéroport de Mitiga, près de Tripoli, obligeant la compagnie nationale tunisienne à suspendre ses vols vers la capitale libyenne jusqu’à nouvel ordre.

Le 29 novembre, le poste frontalier de Ras Jedir a été fermé du côté tunisien après qu’un groupe de Libyens armés a tenté d’entrer illégalement en Tunisie, tirant sur une patrouille de douaniers tunisiens et provoquant la panique parmi les voyageurs.

Vendredi, 2 décembre, l’autre poste frontalier de Dehiba a été, à son tour, le théâtre d’autres atteintes. Et dans la nuit de samedi à dimanche, une patrouille de la garde frontière tunisienne a essuyé des tirs nourris dans la zone saharienne de Sidi Toui, à la frontière des deux pays. L’incident a eu lieu alors que cette patrouille pourchassait une voiture sans plaque minéralogique, qui se dirigeait vers le territoire libyen. Les fuyards ont été rejoints par quatre autres voitures, dont l’une portait un lance-roquettes, qui ont procédé à des tirs de kalachnikov en direction des gardes frontières tunisiens, heureusement sans faire de blessés parmi eux.

«Qui dit la Tunisie dit la Libye»

Cette tension, qui a monté d’un cran ces derniers jours entre les deux peuples, a obligé les responsables tunisiens à faire part de leur inquiétude à leurs homologues libyens face aux agressions ciblant des travailleurs et des commerçants tunisiens en Libye, et à demander à ces derniers d’intervenir au plus vite pour assurer la sécurité et l’ordre dans leur territoire.

«Qui dit la Tunisie dit la Libye... Leurs intérêts sont communs et leur sort, qu’on le veuille ou pas, est scellé», a affirmé, en réponse à ces inquiétudes, un responsable du Comité national de transition (Cnt) libyen. Dans une interview, samedi soir, sur la chaîne britannique Bbc, ce dernier s’est dit désolé que son pays, qui «a promis de payer les soins de ses blessés prodigués dans des cliniques en Tunisie, n’ait pas honoré sa dette évaluée jusque-là à 20 millions de dollars».

Les autorités libyennes n’ont pas tardé d’ailleurs à réagir en s’engageant, dimanche, à prendre des mesures urgentes pour mettre fin à toute atteinte à l’intégrité du territoire tunisien et toute menace contre la sécurité des citoyens, militaires, agents de sécurité et douaniers tunisiens sur la frontière.

Le ministre libyen de l’Intérieur, Faouzi Abdelâal a, en effet, affirmé, au cours d’une conversation téléphonique avec son homologue tunisien Habib Essid, que son pays s’engage à déployer des policiers, militaires et douaniers sur les frontières communes avec la Tunisie pour empêcher que des transgressions se reproduisent. Pour rassurer M. Essid, qui lui a fait part de sa vive inquiétude, le responsable libyen «a réitéré la reconnaissance et la considération aux efforts du peuple et du gouvernement tunisiens pour soutenir son peuple, soulignant que ces transgressions ne doivent pas entacher les relations fraternelles qui unissent les deux pays», a rapporté l’agence tunisienne Tap.