Les campements des deux côtés de l’avenue, les uns face aux autres, les «ilmaniyin» (laïcs) face aux «khouanjia» (islamistes), comme le veut le schématisme en vogue aujourd’hui dans le débat politique tunisien.
Contrairement à ceux de Kasbah 1 et 2, le sit-in du Bardo, qui se tient depuis jeudi en face du siège de la Chambre des députés, où sont réunis les élus de la Chambre nationale constituante, n’unit pas, mais divise.
Une ambiance tendue
Initié par les forces progressistes et modernistes, venues rappeler aux constituants leurs engagements pour la réalisation des objectifs de la révolution, le sit-in a été rejoint, samedi, par une foule de partisans d’Ennahdha, soucieux de défendre leur parti et de rappeler qu’ils représentent aujourd’hui la principale force politique du pays. L’ambiance est assez tendue, et les forces de l’ordre sont sur leur garde, prêtes à intervenir pour séparer d’éventuels «belligérants».
Le sit-in a d’ailleurs été, samedi, le théâtre d’affrontements violents, d’échanges acérés, d’insultes et d’accusations. Dimanche, pour la 4e journée consécutive, il s’est transformé en cercles de discussions et de débats entre militants de la société civile, jeunes chômeurs et représentants de courants politiques. Au centre des débats, les projets de loi organisant les autorités publiques provisoires et le règlement intérieur de l’Assemblée constituante ainsi que la question controversée du niqab. Celle-ci, on le sait, a fait irruption dans l’enceinte de l’université avec le sit-in observé, quelques kilomètres plus loin, à la Faculté des Lettres de Manouba, par des étudiants exigeant l’autorisation du port du niqab par les étudiantes pendant les cours et même aux examens.
Au Bardo, des milliers de partisans du mouvement Ennahdha et d’autres courants islamiques et identitaires ont rejoint samedi la place pour s’opposer aux sit-inneurs présents depuis jeudi, et qui protestent contre le parti islamiste tunisien, pour exiger qu’ils évacuent les lieux et rentrent chez eux.
Accrochages et jets de pierre
Constitués depuis en deux groupes séparés, les manifestants des deux camps en sont venus aux mains. Les accrochages ont causé quelques blessures de gravité diverse.
Les affrontements ont repris samedi quand un groupe étranger aux sit-inneurs a attaqué la foule à coup de pierres et blessé plusieurs manifestants. La police a dû intervenir pour l’isoler et stopper les violences.
Commentant l’évolution des événements, Zied Bouguerra, jeune militant du parti communiste ouvrier, a déclaré à l’agence Tap : «Mon groupe et moi avons préféré nous retenir et éviter toute réaction violente en attendant l’intervention des services de sécurité».
Olfa Ajili, représentante du mouvement du 24 octobre, citée par la même agence, estime, pour sa part, que «les revendications politiques, économiques et sociales des sit-inneurs sont les revendications de tous les Tunisiens, quelles que soient leurs appartenances».
Le dispositif sécuritaire est actuellement renforcé au Bardo en prévision d'une éventuelle reprise des affrontements, alors que l’Assemblée constituante s’apprête à discuter (et à adopter), mardi, le projet de loi organisant les pouvoirs publics provisoires.
Ce texte, contesté puis révisé de manière à réduire les prérogatives du Premier ministre et chef du gouvernement, qui sera issu d’Ennahdha, devrait normalement être adopté.
I. B.