Au cours de sa visite en Tunisie du 21 au 24 juin au gouvernorat de Médenine, le président du Conseil général de l’Hérault (France) et député André Vezinhet s’est rendu dans la région de Djerba où l’attendait une petite surprise.
Alors qu’il s’apprêtait à inaugurer une maison de l’artisanat, sur le panneau récapitulant les aides financières apportées à la région, outre celles prévues dans le cadre de l’accord de coopération entre l’Hérault et Médenine, «figuraient celles de l’ambassade de France, transformée en ‘‘Embrassade de France’’. Un ‘‘r’’ en trop, un ‘‘E’’ pas vraiment à sa place et un lapsus ‘‘merveilleux’’, sourit André Vezinhet», rapporte le ‘‘Midi Libre’’ sous le titre ‘‘Big bisous à la Tunisienne’’. «Quand on s’embrasse, c’est qu’on s’aime», a insisté Vezinhet. Nullement vexés par le fait que des Tunisiens soient à ce point fâchés avec la langue française et que celle-ci soit si nettement en recul en Tunisie, un pays de longue tradition francophone.
La francophonie de mal en pis
La langue française est si nettement en recul au Maghreb en général et en Tunisie en particulier que Sigma Conseil, cabinet d’étude marketing et médias, créditait les parts d’audience des chaînes françaises au Maghreb de 26% en 2004 (contre 42% pour les chaînes locales et 28% pour les chaînes arabes du Moyen-Orient). En 2009, la part d’audience des chaînes françaises est tombée à 10%.
En Tunisie, ce sont les chaînes arabes qui font la plus forte audience (56%) aux dépens des Françaises, qui totalisent moins de 6%. Cela s’explique, entre autres raisons, par le fait que les Tunisiens sont de moins en moins francophones.
De même, depuis l’avènement de la télévision numérique terrestre (TNT), des chaînes comme TF1 et M6, ne sont plus accessibles aux simples citoyens maghrébins comme dans le passé. La multiplication des bouquets payants pour recevoir TF1, M6 et Canal+, a poussé les Maghrébins, Tunisiens en tête, à orienter leur parabole sur Nilesat et ne regarder que des chaînes arabes. Et rien n’indique que la société Canal Overseas, filiale du groupe Canal+ en charge du développement international, qui vient d’être autorisée à commercialiser son bouquet en Tunisie, va faire de grosses affaires.
Les responsables de l’audiovisuel français ne vont sans doute pas arranger les affaires de la francophonie dans la région en arrêtant définitivement, comme ils ont décidé de le faire, l’utilisation du petit satellite Atlantic Bird 3 (AB3), qui alimente les émetteurs terrestres dans le sud de la France.
Argent, droit et intérêts bien compris
En effet, à partir de novembre 2011, il ne sera plus question de réduire la puissance du signal émis par AB3, comme cela avait été fait jusque à l’occasion d’évènements spéciaux comme le Mondial 2006, afin de protéger les droits télévisés. Le satellite cessera tout simplement d’émettre. L’arrêt de ce satellite dont le signal, capté par les antennes paraboliques en Tunisie, permet aux Tunisiens de regarder les chaînes hertziennes françaises en étant équipés d’un simple récepteur démodulateur, va peut-être accélérer davantage le recul de la francophonie au Maghreb.
Avec la télévision française payante, rien n’indique que la langue de Voltaire – et les intérêts économiques français – seront mieux préservés. L’avenir nous le dira…
R. K.
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