Le 22e congrès ordinaire de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) se tiendra du 25 au 28 décembre à Tabarka, (nord-ouest). Sur fond de crise intérieure…
Dans un communiqué publié vendredi, la centrale syndicale annonce l’ouverture, à partir du 7 décembre, des candidatures pour le bureau exécutif national de l’Union, la commission nationale du règlement intérieur et la commission nationale du contrôle financier. Le dernier délai de dépôt des demandes est fixé au 16 décembre, à 18h00. On peut parier que les candidatures vont être très nombreuses. Et pour cause…
L’Ugtt à l’épreuve du pluralisme syndical
Ce congrès intervient en une phase assez critique de l’histoire de la centrale syndicale fondée par Farhat Hached, en 1946. L’Ugtt doit, en effet, pour la première fois de son histoire, faire face au pluralisme syndical avec l’avènement, en quelques mois, de deux nouveaux syndicats, l’Union des Travailleurs de Tunisie (Utt), fondée par l’ex-secrétaire général de l’Ugtt Ismaïl Sahbani, et la Confédération générale tunisienne du travail (Cgtt), fondée par un autre syndicaliste, Habib Guiza, qui vient d’organiser son premier congrès, le 4 décembre.
Les deux centrales n’ont pas mis de temps pour commencer à chasser sur les platebandes de l’Ugtt et à accaparer un certain nombre de secteurs stratégiques et historiques, tel le transport.
Siège de l'Ugtt, Place Mohamed Ali à Tunis
Par ailleurs, l’Ugtt, qui s’est distinguée les 23 dernières années, par sa trop forte proximité avec le régime dictatorial de Ben Ali, a beaucoup perdu de sa crédibilité aux yeux des travailleurs tunisiens, dont beaucoup reprochent aujourd’hui à ses dirigeants sortants d’avoir souvent, au cours des deux dernières décennies, lâché la classe ouvrière et abandonné ses revendications, préférant gagner l’approbation du pouvoir politique.
Beaucoup de travailleurs reprochent aussi aux dirigeants de l’Ugtt d’avoir été impliqués dans des affaires de corruption et de passe-droit en relation avec l’ancien régime. Ce qui reste à confirmer ou à… infirmer.
Abdessalem Jerad sur un toit brûlant
Quoi qu’il en soit, et même si Abdessalem Jerad, le secrétaire général actuel de l’Ugtt, en poste depuis 2000, continue de se défendre d’avoir trempé dans des histoires de corruption, le fait qu’il ait été entendu récemment par des juges et que son nom figure dans le rapport de la Commission nationale d’investigation sur la corruption et les malversations (Cnicm) n’arrangent guère les choses.
Au contraire : plus les dirigeants montent au créneau pour crier au complot et menacer à demi-mot de provoquer des grèves partout, plus leur image se détériore dans l’opinion publique.
Autre élément important : le fait que la majorité des membres de l’actuel Comité exécutif a atteint les limites des mandats autorisés par le règlement intérieur semble avoir aiguisé les appétits des cadres moyens qui se bousculent désormais au portillon. Ce qui est légitime, car il y a tellement de places à prendre et la situation n’a jamais été aussi propice à l’exacerbation des ambitions.
Il y a donc fort à parier que le semblant d’unité affiché aujourd’hui par la centrale syndicale – qui se plaint d’être la cible de campagnes de dénigrement et déstabilisation – va bientôt éclater pour laisser la place à des guéguerres fratricides qui s’aggraveront à l’approche du congrès.
Du spectacle en perspective en somme, d’autant qu’à Tabarka, il n’y aura pas, comme lors des précédents congrès, de Djerba (2002) et Monastir (2006), des marionnettistes envoyés par le Palais de Carthage pour manœuvrer en coulisses, afin de faire élire tel candidat (par exemple, Abdessalem Jerad) et/ou barrer la route à tel autre (par exemple, Ali Romdhane).
Imed Bahri