Près de 80 personnes se sont rassemblées, lundi vers 17 heures, au pied du siège d’Ettakatol de la rue d’Angleterre, à Tunis. Ils protestent contre le projet de «petite constitution» qui sera discuté mardi.

Par Zohra Abid


 

Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, tous sur les nerfs. Ils disent tous qu’ils ne reconnaissent plus les personnes qu’ils ont élues. Parmi les reproches : «Du jour au lendemain, ils nous ont tourné le dos et ils ne sont plus à l’écoute de la base». Et puisqu’il n’y a aucun moyen de les contacter, ils ont décidé de faire du bruit et de se mobiliser devant le QG d’Ettakatol, qui était à cette heure-là fermé à double tour, avant de se joindre le lendemain aux sit-ineurs de Bardo I.


Me Zied Tayeg à droite

Aux abonnés absents

«On ne comprend plus Rien. Pourquoi ont-ils changé de comportement ? A part quelques exceptions, une majorité de nos représentants ne veut même plus répondre au téléphone. Depuis la dernière réunion, qui a eu lieu au lendemain des élections à la rue de Madrid, on ne s’est pas rencontrés et nous avons été pratiquement exclus de toutes les réunions», raconte à Kapitalis, Me Zied Tayeg, du bureau d’Ettakatol de l’Ariana. Et d’ajouter que la veille, les militants ont découvert par pur hasard près de 200 personnes réunies à l’hôtel Diplomat de Tunis pour discuter du projet de loi organisant les pouvoirs publics provisoires (ou «petite constitution») devant être discuté et (éventuellement) adopté, mardi 6 décembre. «Nous nous sommes déplacés pour nous joindre à nos députés et dire ce que nous pensons de ce projet. Mais notre surprise fut grande lorsque des gardes du corps nous ont dit que c’était une réunion à huis clos, qu’il fallait présenter un badge et nous ont empêchés d’entrer dans la salle de réunion, en usant même de la force», raconte l’avocat. Son camarade, ajoute-t-il, a été blessé au visage et à l’épaule, et il compte porter plainte. «Les militants d’Ettakatol ont le droit de savoir ce qui se passe, dire leur mot et évaluer les travaux de la Constituante et non d’être traînés par la force dehors», s’indigne encore Me Tayeg.

Manque de communication

Foued Baly, secrétaire général du bureau d’El Menzah, nourrit la même suspicion. «Il y a des choses qui se trament, non seulement contre les militants d’Ettakatol, mais aussi contre les citoyens qui comptent énormément sur le parti de M. Ben Jaâfar pour qu’Ennahdha n’accapare pas tous les pouvoirs et fasse promulguer des lois à sa mesure», dit M. Baly. «Ce qui se passe n’est pas innocent. J’ai organisé, il y a deux semaines, une réunion à El Menzah pour sensibiliser les Ettakatolin à ce sujet. Depuis, il y a une mobilisation dans plusieurs bureaux», ajoute-t-il.


Militants et non des sujets

A l’évidence, ce malaise est alimenté par le manque de transparence ou, plutôt, par le déficit de communication. «Nous refusons le vote du 6 décembre et il n’est pas question d’accepter ce qu’impose Ennahdha, qui veut accaparer tous les pouvoirs et nommer à la tête des ministères de souveraineté des personnes de son choix. Ceci nous rappelle l’Iran en 1979, lorsque la gauche a serré la main des islamistes. Puis, tout a éclaté. Nous ferons tout pour que cela ne se reproduise pas chez nous, sinon à quoi sert l’histoire si on n’en tire pas des leçons», dit Me Yamen Amdouni.

Non loin de là, Nadia Hammami (bureau de l’Ariana) et Lamia Ferjani (bureau de la Manouba) plaident la même cause.

La place d’Ettakatol est-elle dans l’opposition ? 

«J’aurais bien aimé que notre parti et le Congrès pour la république soient dans l’opposition aux côtés du Pdp et d’Ettajdid. Ainsi, Ennahdha aurait été en minorité et ne pourrait pas faire passer ses projets. Là, nous voyons qu’il y a des choses qui se trament contre le peuple. Demain, nous serons à Bardo I et nous allons protester», dit Nadia, elle aussi écœurée.

19 heures trente, 6 députés sont arrivés sur place pour calmer les esprits. On ouvre les bureaux et on tente de discuter plus calmement. Près de deux heures de négociation avant que tout rentre dans l’ordre et que les protestataires sortent rassurés.

«Les explications de nos représentants étaient plus que rassurantes. Ils ne vont pas se laisser faire. Ils vont négocier d’égal à égal avec Ennahdha. C’est leur devoir. Et il s’agit d’une responsabilité historique», nous dira plus tard au téléphone Me Zied Tayeg.

La crise est-elle vraiment résolue ? Laissera-t-elle des séquelles ? Les membres d’Ettakatol parleront-ils désormais d’une même voix ?