Les membres de l'Assemblée constituante ont adopté vendredi, après discussion, l’article 16 du projet de la loi constitutive portant organisation provisoire des pouvoirs publics.
Le projet de loi a été adopté avec la majorité des voix (119 voix) contre 8 abstentions.
Suite à ce vote, les représentants des partis de l’opposition ont critiqué l’impossibilité de parvenir à un texte consensuel, qui prenne en considération les propositions présentées. Les représentants du Pdp, du Pdm et d’Al-Aridha se sont abstenus, lors du vote de cet article. La version finale de l’art. 16 relatif aux attributions du gouvernement provisoire telle qu’élaborée par la commission ad hoc se présente comme suit :
- Le gouvernement est habilité à exercer le pouvoir exécutif, à l’exception de ce qui relève de la compétence du président de la République.
- Le gouvernement veille à l’exécution des lois adoptées par l’Assemblée nationale constituante.
- Le chef du gouvernement est compétent en matière d’édiction des décrets à caractère réglementaire et individuel, qui doivent être signés après délibération du Conseil des ministres et après avoir informé le président de la République.
Outre ces attributions, le chef du gouvernement est habilité à :
- Présider le conseil des ministres.
- Créer, changer et supprimer les ministères et les secrétariats d’Etat, et fixer leurs prérogatives et leurs compétences après délibération du Conseil des ministres et information du président de la République.
- Créer et modifier les institutions, les établissements publics et les services administratifs, et fixer leurs prérogatives et leurs compétences, après délibération du gouvernement et information du président de la République.
- Contresigner les arrêtés ministériels.
- Nommer aux emplois supérieurs civils, en concertation avec le ministre concerné et le conseil des ministres.
L’autonomie de la Banque centrale
Le 6e point relatif à la dévolution au chef du gouvernement de la compétence de nommer le gouverneur de la Banque centrale, à laquelle certains constituants ont proposé de consacrer un article à part, a finalement été supprimé.
Lors du débat, plusieurs représentants ont souligné la nécessité de garantir l’indépendance de l’établissement de la Banque Centrale et de recourir à l’élection en tant que mode de choix du gouverneur de la Banque centrale et du reste des hauts responsables de cet établissement financier, afin de garantir la transparence de la politique monétaire du pays et la placer en dehors de la sphère politique.
Certains Constituants ont insisté sur la neutralité de plusieurs établissements nationaux et emplois supérieurs, comme les fonctions de gouverneur, de délégué et de président directeurs ainsi que les structures financières et consultatives dont le Conseil du marché financier, le Conseil de la Concurrence et le Comité de protection des données personnelles, l’objectif étant de garantir leur bonne marche.
La compétence et le mérite vont devoir être les seuls critères pour nommer aux emplois supérieurs civils, ont souligné les Constituants Mohamed Chafik Zourkine (Liste ‘‘Fidélité aux martyrs’’), Slaheddine Zahhaf (Liste ‘‘Voix de l'avenir’’) et Chokri Yahich (‘‘Afek Tounes’’).
Le Constituant Chafik Zourkine a appelé à la création d’une commission composée d’experts réputés pour leur compétence, désignée par les trois présidents et qui sera chargée de choisir les hauts fonctionnaires de l’Etat loin de la politique des quotas, des allégeances partisanes, afin de garantir la neutralité des institutions publiques.
Sur les motifs de l’échec de l’opposition à bloquer le vote des articles du projet de loi en question, Ahmed Essafi d’‘‘Al badil Thawri’’ (extrême-gauche) a précisé que cet échec reflète l’incapacité de l’opposition à repousser le texte juridique tel qu’il a été élaboré par la commission ad hoc et la coalition tripartite.
Il est primordial, a-t-il ajouté, de former un gouvernement capable de confisquer et de récupérer les avoirs pillés par Ben Ali et sa famille dans les plus brefs délais et de demander des comptes aux malfaiteurs de l’ancien régime.
Remplacer gouvernement par un conseil des ministres
Certains Constituants se sont interrogés sur l’utilité et le degré d’efficacité de la même méthode adoptée en matière de désignation des gouverneurs, des délégués et des hauts fonctionnaires, en vigueur sous l’ancien régime, appelant à rompre définitivement avec l’ancienne politique en matière de nomination aux emplois civils supérieurs qui, a-t-il indiqué, doit s’effectuer en dehors des influences politiques.
Dans ce contexte, Issam Chebbi et Mehdi Ben Gharbia (Pdp) ont demandé la suppression du paragraphe 6 du projet de l’art.16, une proposition partagée, également, par Mongi Rahoui (Mpd), en consécration de la neutralité de l’administration et des hauts fonctionnaires de l’Etat, «dont l’allégeance doit être à la Tunisie et à elle seule».
En réaction aux critiques adressées à la commission ad hoc chargée de l’élaboration du texte du projet de loi, Sahbi Atig (Ennahdha) a proposé de consacrer un article spécial à l’autonomie de la Banque centrale, et de trancher cette question après avoir engagé des concertations entre les groupes politiques et les partis.
A propos de la même question, Walid Bennani (Ennahdha) a indiqué que son parti n’a pas accédé au pouvoir pour voler et spolier les biens du peuple et instrumentaliser la Banque centrale.
La protestation d’Aymen Zouaghi (Al -Aridha) contre la méthode adoptée par le président de la commission, Habib Lakhdher, dans la présentation au vote de certaines propositions aux dépens d’autres, a amené le président de l’Assemblée à lever la séance pour examiner avec les membres de la commission ad hoc la manière dont ils devraient interagir avec les propositions des Constituants.
La polémique s’est, cependant, poursuivie après la reprise des travaux par l’Assemblée nationale constituante. L’art.16 a été adopté dans sa version initiale, avec une modification mineure, en vertu de laquelle, l’expression «gouvernement» a été remplacée par «Conseil des ministres».
Source : Tap.