A trois semaines du premier anniversaire de la révolution, les Tunisiens semblent les mieux à même de construire la première démocratie au sud de la Méditerranée. La partie est cependant loin d’être déjà gagnée.
Par Ridha Kéfi
En un peu moins d’un an, beaucoup de chemin a été fait. Le vide constitutionnel a été évité. Les institutions républicaines ont fonctionné tant bien que mal. Il en est de même de l’administration et des services publics. Trois gouvernements de transition et des élections, pluralistes et transparentes, ont permis aux Tunisiens de préserver leur unité et de regarder l’avenir avec espoir.
Le pire est-il écarté ?
L’impact de la guerre civile en Libye, qui a renvoyé dans le sud tunisien près d’un million de réfugiés, a été amorti grâce à la mobilisation de la communauté internationale et à l’hospitalité des Tunisiens. Le plus dur est donc passé, mais le pire est-il pour autant écarté ?
Une Tunisienne vote à Tunis pour élire l'Assemblée constituante
Le Premier ministre Hamadi Jebali, issu du parti islamiste Ennahdha, a présenté, jeudi, la composition (et le programme) de son gouvernement aux membres de l’Assemblée constituante, élue deux mois plus tôt, presque jour pour jour.
Ce 4e gouvernement provisoire en moins d’un an durera, tout au plus, un an et demi, le temps de rédiger une nouvelle constitution et d’organiser des élections législatives et présidentielles. Ses tâches sont cependant immenses : rétablir la sécurité et la paix sociale, atténuer l’impact du chômage, qui touche plus de 800.000 personnes (1 actif sur 5), calmer les régions intérieures longtemps oubliées par les programmes de développement, contenir la hausse des prix qui rogne dangereusement le pouvoir d’achat et, last but not least, relancer la machine économique grippée par les grèves et les sit-in, tout en mettant en œuvre des réformes structurelles tout aussi urgentes (de la magistrature, de la police, de l’administration, des médias, etc.).
Hamadi Jebali.
Des inquiétudes dérisoires ?
Face à l’ampleur de ces défis auxquels tous les Tunisiens, quelles que soient leurs obédiences, doivent faire face, qui plus est, dans un environnement régional des plus explosifs, les inquiétudes des élites intellectuelles pro-occidentales devant la montée des mouvements islamistes pourraient sembler dérisoires, si ces derniers ne montraient pas déjà une grande avidité de pouvoir.
Aussi est-ce de notre capacité à gérer les urgences socio-économiques sans céder sur nos acquis sociaux et nos libertés individuelles si chèrement payées que dépendra la réussite de ce que l’on peut qualifier déjà de «modèle tunisien de transition démocratique». Et que nos voisins du Maghreb et du Machreq observent déjà comme une promesse de renouveau… autant pour nous que pour eux.