La Tunisie aimerait bien vouloir choisir ceux qui peuvent l’aider, encore faudrait-il qu’elle puisse le faire. Avec la crise actuelle dans le monde, elle doit chercher l’argent où elle le trouve.

Par Jamel Dridi


Beaucoup aujourd’hui semblent développer une allergie à ce qui vient du Moyen-Orient, notamment du Qatar. Leur argument est le suivant: «Ces pays veulent influencer la Tunisie dans son mode de vie, alors il ne faut pas accepter leurs pétrodollars».

Certes, ceux qui craignent que l’argent en provenance des pays du Golfe entraînera une dépendance forte vis-à-vis de ces pays n’ont peut-être pas tort car, effectivement, on devient (presque) toujours engagé vis-à-vis de celui qui nous aide et surtout il vaut mieux avoir plusieurs soutiens plutôt qu’un seul.

Sauf que, vu son contexte économique, la Tunisie n’a pas les moyens aujourd’hui de faire la fine bouche. Est-il nécessaire de rappeler les alertes quasi quotidiennes ces jours-ci sur la fragilité de la situation économique tunisienne des différents acteurs économiques et surtout de la très sérieuse Banque centrale de Tunisie (Bct).

Et si l’on y regarde de plus près, de quelles solutions dispose la Tunisie aujourd’hui ?

L’urgence économique

Il y a quelques mois, la Tunisie a présenté un plan de relance très raisonnable de 125 milliards aux institutions mondiales.

Le G8 avait proposé une aide substantielle. Où en est-on aujourd’hui ? Quelle aide a reçu la Tunisie ?
Presque rien, une goutte d’eau. Environ 1 petit milliard entre la Banque africaine de développement (Bad) et la Banque mondiale (BM). Un don de 100 millions d’euros de l’Union Europénne (UE) et un prêt d’environ 200 millions d’euros de la France.


De dr. à g., Ben Jaâfar, Marzouki, Jebali et Ghannouchi.

Soulignons qu’à part le don de l’UE, toutes les autres aides sont des prêts assortis de taux d’intérêts et on n’est pas dans le cadre d’une aide désintéressée, quel que soit le prêteur !

Sauf erreur, l’aide du G8, de 35 milliards promise à l’Egypte et à la Tunisie, n’est, au moment où ces lignes sont écrites, qu’un espoir hypothétique d’aide. Une belle promesse mais rien qu’une promesse ! Au point tel que les autorités égyptiennes viennent, chose plutôt rares, de dénoncer officiellement l’hypocrisie des pays qui ont promis de donner dans le cadre du G8, car Le Caire n’a encore rien reçu !

Il est évident que, pour justifier les prêts promis, les pays bénéficiaires doivent présenter des projets utiles et bancables. C’est là l’exigence de tout bailleur de fonds. La Tunisie et l’Egypte l’ont-ils fait ? Le Plan Jasmin tunisien, élaboré par l’ex-gouvernement, peut-il vraiment séduire les experts du G8 ? On l’espère bien, mais attendons pour voir la suite.

Pas besoin de promesses mais de financements

Alors ceux qui crient aujourd’hui à la mainmise des pays du Golfe sur la Tunisie, s’ils ont, comme ils semblent s’en prévaloir, des contacts bien placés au niveau des pays européens et du G8, ils devraient user leur énergie pour convaincre leurs connaissances d’appliquer leur promesse et d’aider financièrement la Tunisie.

A défaut, s’ils n’ont pas de solutions à proposer, qu’ils laissent le gouvernement démocratiquement élu tenter de sortir la Tunisie du marasme économique par tous les moyens dont il dispose. Sauf à nous pousser à croire que l’on veuille que la situation économique pourrisse au point tel que le gouvernement actuel «tombe» sous la pression populaire pour qu’un autre gouvernement, plus en phase avec les désirs de certains – disons le franchement moins islamiste –, prenne les commandes de la Tunisie. Bref, un retour en arrière sauf qu’à la place d’avoir un dictateur unique, on aurait un «directoire de bénis oui-oui dociles à souhait».

La Tunisie a aujourd’hui besoin d’une aide concrète, sonnante et palpable, et non, même si elle les accepte avec plaisir, de messages de sympathie et de soutien psychologique. Et puis le débat idéologique, s’il est peut-être nécessaire au sein de la Constituante, où se décide l’avenir du système politique dans le pays, il ne devrait pas polluer le travail gouvernemental. Car le Premier ministre Hamadi Jebali et son équipe ne vont pas travailler sur des dossiers appelés «identité» et/ou «modernité». Ils vont devoir œuvrer avec tous les moyens dont ils pourront disposer, à l’intérieur ou en comptant sur l’aide extérieure, pour stabiliser la situation dans le pays, de relancer la machine économique gravement grippée, trouver du travail à plus de 800.000 chômeurs, sortir de la pauvreté le quart de la population nationale, améliorer les conditions de vie dans les régions défavorisées, et, last but not least, contenir l’inflation et la hausse continue des prix, etc.