Alain Juppé est attendu cette semaine à Tunis. Sa mission consistera à dissiper les derniers malentendus qui ont marqué les relations franco-tunisiennes depuis la chute de Ben Ali. Ses hôtes n’en attendent pas moins.
Par Imed Bahri
Le ministre d’Etat français pour les Affaires étrangères et européennes effectuera, les 5 et 6 janvier, sa seconde visite en Tunisie en moins d’un an. Sa première visite remonte aux 20 et 21 avril, sous le gouvernement du Premier ministre Béji Caïd Essebsi.
«Cette visite a pour objectif de renforcer les relations bilatérales et de consolider le partenariat privilégié entre la Tunisie et la France dans les différents domaines», lit-on dans un communiqué publié à cette occasion par le ministère tunisien des Affaires étrangères.
Juppé et Caïd Essebsi à la Kasbah, en avril 2011
Dépasser les séquelles du passé
Au programme du séjour de 48 heures de M. Juppé à Tunis, des rencontres avec le président Moncef Marzouki, le chef du Gouvernement Hamadi Jebali, ainsi que le président de l’Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaâfar, et le tout nouveau ministre des Affaires étrangères, plus anglophone que francophone, Rafik Abdessalem. Il rencontrera aussi des responsables du monde économique, de la société civile et des représentants de la communauté française en Tunisie.
Selon l’ambassade de France en Tunisie, «cette visite sera l’occasion pour rappeler l’engagement de la France à poursuivre son soutien à la nouvelle Tunisie tant au plan bilatéral que dans le cadre du partenariat de Deauville du G8».
Les Tunisiens ont souvent reproché à la France d’avoir soutenu jusqu’au bout la dictature de Ben Ali et le désastreux épisode de Michèle Alliot-Marie proposant le savoir-faire français pour mâter les manifestants tunisiens n’a pas arrangé les choses. Ils lui ont reproché aussi d’avoir traîné les pieds avant de prendre le train de la révolution tunisienne en marche et d’avoir tardé à féliciter les vainqueurs des élections du 23 octobre dernier, à savoir le parti islamiste Ennahdha.
Juppé sur le plateau de la Chaîne nationale 1 en avril 2011
Paris, qui a soutenu les mouvements progressistes et démocratiques, grands perdants de ces élections, ne pouvait apprécier, c’est un euphémisme, l’arrivée au pouvoir à Tunis d’un mouvement conservateur. Mais le Quai d’Orsay, après avoir maladroitement posé des conditions et des lignes rouges aux nouveaux élus, a su se rattraper en prenant rapidement langue avec les nouveaux hommes forts du pays via son ambassadeur en Tunisie, Boris Boillon.
La visite de Juppé devrait donc être l’occasion pour dissiper les malentendus et rétablir définitivement le courant.
Pour des relations apaisées et rénovées
Les récentes critiques du président de la République Moncef Marzouki, dans un entretien au site Médiapart, appelant la France à ne pas sombrer dans l’islamophobie à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, ont certes fait grincer quelques dents en France. Mais on peut compter sur la sagesse des deux parties, qui vont tout mettre en œuvre pour relancer leurs relations historiques.
Car si Paris cherche à ouvrir une nouvelle page dans ses relations avec Tunis, de manière à faire oublier son soutien à la dictature, Tunis, qui passe par une situation économique difficile, ne peut se passer de l’aide de la France, son principal fournisseur et client. Les 600.000 Tunisiens et binationaux vivants en France et les 25.000 Français résidant en Tunisie attendent, en tout cas, la fin définitive des malentendus. Et une rénovation des relations entre les deux pays.
Pour montrer sa bonne volonté, la France a annoncé une enveloppe de soutien de l’ordre de 350 millions d’euros dont une partie sous forme d’appui budgétaire (prêt) accordé par l’Agence française de développement (Afd) à la Tunisie.
A part les concertations politiques, les responsables tunisiens et français examineront notamment «les grands dossiers relatifs à la coopération financière, culturelle, scientifique et technique, ainsi que la coopération en matière de gestion concertée de la migration, le développement solidaire et la coopération triangulaire», souligne le communiqué officiel tunisien.