L’association dirigée par l’universitaire Dr Dorra Ghorbel a fait parvenir à Kapitalis un communiqué où elle appelle à l’interdiction du port du niqab à l’intérieur des institutions universitaires. En voici le texte…
La rentrée universitaire 2011-2012 a été rapidement animée par des tentatives venant de certaines étudiantes de se présenter, lors de l’inscription, ensuite en cours, et enfin en examen vêtues du voile intégral, le niqab.
Les membres du Forum universitaire tunisien (Fut) ont été interpelés par le phénomène et, en particulier, par tout ce qu’il a entraîné comme perturbation du fonctionnement normal d’un certain nombre d’institutions. Le Fut a rapidement publié un communiqué, daté du 30 septembre 2011, appelant à l’interdiction du port du niqab à l’intérieur des institutions universitaires. Quatre raisons sont à l’origine du refus du niqab par le Fut :
- connaissance de l’identité ;
- exigence pédagogique ;
- problèmes de sécurité ;
- absence de liberté absolue en classe.
1/ Connaissance de l’identité : la vérification et la connaissance de l’identité des étudiants, qui non seulement circulent au sein des institutions universitaires, mais intègrent les salles d’enseignements (cours, travaux dirigés et travaux pratiques), est une exigence incontestable. Il n’est pas admis que des anonymes ou des inconnus assistent à une séance d’enseignement, encore plus dans les instituts ou écoles supérieures, où la présence par appel des étudiants est vérifiée en début de chaque séance par l’enseignant.
Cependant, certains défenseurs de cette tenue, ont proposé dans des émissions radios ou TV, de mettre à la disposition des «mounaqabet», des dames qui vérifieraient leur identité à l’entrée de la classe. La question pratique, qui vient tout de suite à l’esprit, est la suivante : combien de femmes l’Etat est-il sensé embaucher pour cette tâche, si on compte le nombre de salles d’enseignement dans toutes les facultés tunisiennes, et le nombre de séances de cours par jour ? Cette proposition est insensée, irréalisable et même contradictoire avec le principe d’égalité entre citoyens. Si nous allons nous amuser à recruter du personnel pour vérifier l’identité des filles qui refusent de montrer leur visage, quelle mesure faut-il prendre et quel budget faut-il consacrer, par exemple, pour les étudiants qui refuseraient l’interdiction de fumer dans les salles d’enseignement ? Ou pour ceux qui refuseraient de mettre une blouse blanche dans une séance de travaux pratiques ?
On voit bien que ce genre de proposition n’est pas réaliste.
2/ Exigence pédagogique : les universitaires soucieux de la qualité de l’enseignement qu’ils proposent dans le cadre de leurs fonctions, en tant qu’employés de l’Etat, autrement dit, payés par l’argent du contribuable, insistent sur l’importance de la communication non verbale en pédagogie. Cette communication est non seulement importante pour l’étudiant, pour mieux assimiler son cours, mais aussi pour l’enseignant pour assurer son travail dans les meilleures conditions. C’est cette communication qui distingue une séance de cours d’une autre, en fonction de l’interactivité que peut avoir l’enseignant avec ses étudiants. C’est cette même communication qui fait la réussite d’une séance d’enseignement, puisqu’à travers elle l’enseignant peut situer son intervention et l’adapter en fonction de l’écoute et de la réception du message par ses étudiants. C’est ce qu’on appelle la pédagogie !
3/ Problèmes de sécurité : lorsque le nombre de «mounaqabet» dépasse l’unité dans un même lieu, et même en présence de moyen de vérification de l’identité (ce qui est difficile, voire impossible à gérer) la sécurité ne pourra plus être assurée.
Nous rappellerons toujours ce qui est arrivé à notre collègue de la Faculté des lettres de Manouba, Amel Grami, qui a été agressée dans son propre lieu de travail par un groupe de «mounaqabet».
Etant nombreuses et toutes déguisées, Mme Grami n’a pas pu les identifier pour porter plainte contre elles.
Nous n’avons pas besoin d’imagination pour comprendre qu’une telle tenue, lorsqu’elle est portée par un nombre conséquent de personnes en classe, est en complète contradiction avec les règles de sécurité primaire.
4/ Absence de liberté absolue en classe : Reste un point souvent évoqué par les «mounaqabet» et les personnes qui défendent le port de cette tenue dans les lieux publics et dans les universités : le fameux principe de la liberté individuelle ! Est-ce qu’on est libre en classe de faire ce qu’on veut, de s’assoir comme on veut, de parler ou de se comporter comme on veut ? Bien sûr que non.
La notion de liberté individuelle ou vestimentaire n’a pas de sens dans une salle de cours, où des règles de bonne conduite doivent être respectées par les étudiants et les enseignants. Parmi ces règles, les points évoqués plus haut, à savoir, la connaissance de l’identité, le respect de la pédagogie et la garantie de la sécurité sont nécessaires au bon déroulement d’une séance d’enseignement.
Pour toutes ces raisons, le Forum universitaire tunisien, en tant qu’association regroupant des enseignants-chercheurs tunisiens, soucieux de l’avenir de leur université, considère que le port du voile intégral à l’intérieur des institutions d’enseignement supérieur est inapproprié et incompatible avec la mission de ces institutions. Il demande à ce que les autorités de tutelle interdisent le port du niqab à l’intérieur des institutions universitaires.