Suite aux agressions physiques et verbales répétées sur les journalistes et les intellectuels, le militant de gauche Chokri Belaïd a déposé une plainte contre Ali Laârayedh, le premier responsable de la sécurité.
Par Zohra Abid
Si le communiste Hamma Hammami s’est contenté mardi d’alerter le gouvernement sur la gravité de la situation dans le pays, avec notamment les sit-in et les agressions physiques et verbales des Salafistes contre tous ceux qui ne partagent pas leur idéologie extrémiste, Chokri Belaïd, leader du Mouvement des patriotes démocrates (Mpd), a préféré, quant à lui, aller plus loin pour mettre le ministre de l’Intérieur devant ses responsabilités, en portant plainte contre lui.
L’indépendance de la justice à l’épreuve
«J’ai porté plainte, mercredi, auprès du procureur de la république, contre le ministre Ali Laârayedh. Et j’ai obtenu, tout de suite, la décharge relative au dépôt de cette plainte enregistrée sous le n°7005726», a confirmé à Kapitalis l’avocat et militant de gauche.
Chokri Belaid.
Le ministre de l’Intérieur sera poursuivi en vertu de l’article 132 du Code pénal qui punit d’une peine allant jusqu’à 12 ans de prison «la formation d’une bande pour l’agression des personnes». Selon Chokri Belaïd, le ministre sera aussi entendu en vertu des articles 101 (pour ne pas avoir exercé sa fonction de préservation de la sécurité des citoyens), 143 (pour non assistance à personnes en danger), 218 (pour agression) et 222 (pour menace)...
Le ministre de l’Intérieur, ancien détenu de Ben Ali – condamné à 15 ans de prison en 1992, il en a passé 10 à l’isolement –, sera-t-il convoqué, dans les prochains jours, par le procureur de la république ? Ce sera une bonne occasion pour vérifier le degré d’indépendance de la justice post-révolution.
Les Salafistes, sortis de nulle part, au lendemain de la révolution, ne cessent d’exhiber leurs muscles et d’investir l’espace public. Ils ont commencé avec des agressions sur des femmes universitaires et des professeurs de dessin. Ils ont enchaîné avec des sit-in dans les facultés, des occupations de la radio Zitouna, des attaques contre des journalistes, des artistes et des intellectuels.
Le laxisme des forces de l’ordre
Encouragés par le manque de réaction des agents de sécurité, étonnamment laxistes, et du gouvernement, sourd et muet, ces hommes sont en train de récidiver. Leur dernier forfait a eu lieu, lundi, devant le palais de justice de Tunis, lors de l’examen de l’affaire Nessma TV, lorsqu’ils ont agressé le journaliste Zied Krichen et l’universitaire Hamadi Redissi. Mardi soir, près de 70 salafistes ont attaqué le réfectoire de la faculté de Sousse... et ça continue un peu partout face à l’inaction presque totale du ministère de l’Intérieur.
C’est cette absence de réaction de la part des forces sécurité face à ces hors-la-loi qui a poussé Me Belaid à déposer une plainte contre le ministre de l’Intérieur. Affaire à suivre…