Dans une interview à la chaîne Euronews, le président de la République Moncef Marzouki a assuré que «personne n’intervient dans les affaires de la Tunisie et surtout pas les Qataris».


 

Dans cette interview, réalisée par notre confrère Jamel Ezzedini, au palais présidentiel de Carthage, et diffusé le 7 février, M. Marzouki a ajouté : «Nous ne recevons des ordres de personnes, ni des Etats-Unis, ni de la France, ni du Qatar ni de qui que ce soit.» Extraits…

«Je n’ai pas changé»

«Rien n’a changé, juste le décor qui m’entoure. Je n’ai pas changé, je suis toujours le même, je n’ai pas changé mes convictions, ni mes habitudes, ni mes traditions. La seule chose, c’est qu’en tant qu’opposant, j’ai connu les problèmes de l’opposition, et aujourd’hui j’essaye de résoudre les problèmes du pouvoir. C’est la nature des problèmes qui ont changé le décor. A part ça, rien n’a changé.»

«Il n’y a pas de divisions au sein de la coalition»

«Ce qui se passe au sein des partis politiques, y compris Ettakatol, s’introduit selon moi dans une dynamique de changement que vit la société actuellement. Ce que nous craignons c’est que cette phase de restructuration dure trop longtemps ou qu’elle aboutisse à une nouvelle donne politique différente de celle que nous voulions, c’est-à-dire une situation politique solide et stable, qui serve les intérêts du pays. Tout ce qui se dit donc sur des divisions au sein de la coalition est sans fondement. Ce gouvernement n’est là que depuis deux mois, donc parler de division, ce ne sont que des commentaires de journalistes.»

«Je suis très satisfait des attributions du président»

«Quand le gouvernement de coalition a été formé, nous étions en position de force et non de faiblesse. Nous savions qu’Ennahdha ne pourrait pas gouverner seul. Donc quand nous avons discuté le partage des pouvoirs, nous l’avons fait suite à un accord sur un programme politique très clair qui garantit le respect des droits de l’homme, de la femme et de l’enfant, et de tous les droits civils. Puis nous avons défini les pouvoirs du président. C’est une charge qui requiert beaucoup de temps : je suis chargé de la politique extérieure en concertation avec le gouvernement, de la politique de défense, de la promulgation des lois. Je suis très satisfait de ces pouvoirs.»

«Personne n’intervient dans les affaires de la Tunisie»

«Tout ce que je peux te dire c’est qu’on prend nos décisions en toute souveraineté, personne n’intervient dans les affaires de la Tunisie et surtout pas les Qataris. Ils sont prêts à nous aider mais nous ne recevons des ordres de personnes, ni des Etats-Unis, ni de la France, ni du Qatar ni de qui que ce soit.»

«Il y a des gens qui cherchent à provoquer des troubles»

«Il y a sans doute parfois des problèmes de sécurité qui découlent des manifestations et des protestations, dont une grande partie est légitime, vue la souffrance des gens qui n’en peuvent plus à cause de leur situation sociale très dégradée, nous comprenons cela mais, d’autre part, il y a des gens qui cherchent à provoquer des troubles. A l’égard de cette situation, le gouvernement suit une politique de discipline et de maîtrise. Car nous sommes les enfants de cette révolution et nous sommes issus de ce peuple donc on ne peut pas suivre les même méthodes de répression qu’utilisait jadis Ben Ali en tirant sur les gens au nom de la souveraineté de l’état. Nous refusons cela.»

«Le gouvernement a besoin de 2 ou 3 ans»

«Il faut que les gens comprennent que ce gouvernement n’est là que depuis deux mois. Il a besoin de deux ou trois ans pour fonder des bases solides pour une renaissance économique du pays. Le gouvernement est en train de poser la pierre angulaire de réformes fondamentales dont nous verrons les résultats dans au moins cinq ans. C’est ce que les gens doivent comprendre.»

«Nous prenons nos décisions en toute souveraineté»

«Personne d’autre que le peuple tunisien n’a le droit de donner des ordres au président de la république et au gouvernement. Certes, il y a des enjeux financiers mais nous sommes un pays de révolution, l’économie doit seulement servir le peuple. Mes positions sont claires là-dessus et nous refusons de recevoir des directives de qui que ce soit. Nous prenons nos décisions en toute souveraineté, et pour servir les intérêts des tunisiens.»

«Un message à nos frères en Syrie pour leur dire qu’on les soutient»

«Face à cette sauvagerie et face à cette répression de la part du régime syrien, la question qui se pose ne concerne pas les intérêts de la Tunisie mais plutôt son honneur. Nous sommes le premier pays à réussir une révolution : on nous regarde en tant que modèle. On a notre fierté nationale mais on a aussi le devoir d’aider ce pays. Comment pouvons-nous l’aider : nous sommes contre l’intervention militaire, donc au moins symboliquement nous refusons que le drapeau du régime Baath se hisse dans notre pays. Nous avons pris cette décision qui est à l’honneur de la Tunisie et de la révolution tunisienne. C’est un message à nos frères en Syrie pour leur dire qu’on les soutient.»

«Si cette alternative [renoncer à faire revenir l’ancien président tunisien Zine El Abidine Ben Ali pour qu’il soit jugé en Tunisie, Ndlr] aide à arrêter le massacre en Syrie, je suis prêt à l’accepter même si cela va à l’encontre de la justice. Mais je dis toujours que la vie de milliers de Syriens est beaucoup plus importante que traduire cet homme en justice.»

«Il y a une volonté européenne d’aider la Tunisie»

«Nos relations avec l’Union européenne (UE) sont solides et nous cherchons à les développer afin de servir les intérêts de la Tunisie. Je pense qu’il y a une grande volonté de l’autre côté de la Méditerranée d’aider la Tunisie, vu l’importance de la révolution tunisienne. Le chef du gouvernement a rencontré dernièrement des responsables européens comme je vais le faire également lors de mes prochaines visites à Bruxelles et à Strasbourg.»