La création d’une «Haute instance indépendante pour la vérité et la justice transitionnelle», proposée par la Coordination nationale pour la justice transitionnelle, sera examinée la semaine prochaine par la Constituante.


 

Cette institution à caractère public doit être dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière et administrative. Elle aura pour mission de définir un processus global incluant la mise en place des instruments pour la vérité, la justice et la réconciliation.

Lors d’un atelier de travail organisé, mercredi, à Tunis, la Coordination nationale pour la justice transitionnelle a présenté le projet de création de cette Haute instance qui doit être soumis la semaine prochaine à l'Assemblée nationale constituante.

Réparation des injustices du passé

Selon le projet, la Haute instance indépendante pour la vérité et la justice transitionnelle a pour mission d’enquêter sur les atteintes aux droits humains dans leur dimension universelle, ainsi que sur les dépassements enregistrés en termes de mauvaise gestion des fonds publics depuis l’indépendance.

La durée de travail de l’Instance ne doit pas dépasser les cinq ans au cours desquels elle est appelée à présenter des rapports périodiques.

La Coordination nationale pour la justice transitionnelle a recommandé d’assurer les garanties et les ressources nécessaires à cette Instance de manière à favoriser l’indépendance et l’efficacité de son action «loin de toute surenchère politique étriquée».

Ouvrant l’atelier de travail sur «l’approche de la société civile dans la mise en place d’un cadre juridique pour la justice transitionnelle en Tunisie», le ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitionnelle Samir Dilou, a noté que «la révolution a mis un terme à la dictature et ouvert la voie à l'édifice démocratique et à la réparation des injustices du passé».

Le ministère des Droits de l’homme, a-t-il ajouté, est un «guichet unique» qui se charge de l’élaboration du cadre juridique et de la coordination entre les composantes de la société civile afin de mettre en place un mécanisme global pour la réalisation de la justice transitionnelle qui doit être «un processus fondé sur le consensus national».

Une responsabilité collective

Amor Safraoui, coordinateur de l’initiative nationale pour la justice transitionnelle, a critiqué «la confusion des autorités dans le traitement du dossier de la justice transitionnelle».

Habib Nassar, directeur du programme Méditerranée-Afrique du Nord du Centre international de justice transitionnelle (Ictj), a estimé que la justice transitionnelle sera le fruit d’un dialogue entre le gouvernement et les composantes de la société civile, se déclarant confiant en la «réussite de l’expérience tunisienne en tant que modèle pour les pays qui vivent un processus de transition».

Abdelbasset Ben Hassen, président de l’Institut arabe des droits de l’homme (Iadh), a noté que les droits humains sont une responsabilité collective. «Engager un dialogue social loin de toute logique d’exclusion et de marginalisation est la meilleure solution pour mettre en place la justice transitionnelle», a-t-il plaidé.

L’expert Ruben Carranza a passé en revue les expériences en matière de justice transitionnelle en Amérique latine et en Afrique du Sud, qui sont différentes d’un pays à un autre.

L’absence de volonté politique

Chafik Sarsar, professeur de droit public, a évoqué les lacunes qui entravent le processus de la justice transitionnelle et «l’absence de volonté politique pour mettre en place un dispositif de justice transitionnelle et demander des comptes aux coupables».

L’atelier de travail a permis de débattre de la justesse de la création d’un ministère des Droits de l’homme et de la justice transitionnelle et de la «confusion» dans la définition des mécanismes de coordination et de concertation entre le ministère et les composantes de la société civile.

Au cours d’un point de presse, lundi, pour présenter les missions et activités de son département, Samir Dilou, ministre des Droits de l'homme et de la Justice transitionnelle, avait relevé que les atteintes aux droits humains continuent malgré le changement du paysage politique.

Après la révolution, a-t-il indiqué, la situation sécuritaire a eu des conséquences sur le dossier des droits humains, notant que les mentalités n’ont pas changé, ce qui commande de revoir les méthodes de formation et d’intervention des parties concernées en coordination avec le ministère de l’Intérieur et la direction pénitentiaire. Un livre blanc sur la réforme du système sécuritaire avait d’ailleurs été élaboré par le ministère de l'Intérieur en novembre 2011.

Une consultation nationale

Dans la note de présentation du contexte de la Consultation nationale pour prévenir et éradiquer la torture et les mauvais traitements, qui se tient mercredi et jeudi à Tunis, l’Organisation mondiale contre la torture (Omct) a souligné la nécessité de «prendre en considération le fait que les pratiques de torture et d’autres formes de mauvais traitements interdits sont profondément ancrées dans la culture institutionnelle du corps de la sécurité tunisienne».

L’Organisation souligne, à cet égard, l’impératif de «renforcer la confiance dans la primauté du droit». «Ce sera la tâche de l’Assemblée constituante de veiller à la protection contre la torture et les mauvais traitements à travers la nouvelle Constitution, en créant des garanties en ce sens, ainsi qu’un cadre juridique et institutionnel qui peut protéger efficacement contre la torture», avance l’Omct.

Les principales recommandations issues de la Consultation nationale pour prévenir et éradiquer la torture et les mauvais traitements, dont les travaux ne sont pas ouverts au grand public, seront données lors d’une conférence de presse, vendredi, à Tunis.

I. B. (avec Tap).