«L’agression contre l’Ugtt est un acte sauvage et cette escalade ne profitera guère au pays», a estimé le leader islamiste Rached Ghannouchi.
C’était lors d’une rencontre de presse, jeudi, au siège d’Ennahdha à l’Ariana consacrée à l’annonce de la nouvelle composition du bureau exécutif du parti après le remplacement des membres ayant rejoint le gouvernement. Mais après les déclarations de l’Ugtt accusant certains militants d’Ennahdha d’avoir jeté des sacs poubelles devant plusieurs sièges de l’Ugtt, et d’en avoir saccagé d’autres, M. Ghannouchi a préféré commencer par le sujet le plus brûlant.
Juillet 2012 : la retraite ou un nouveau départ ?
Concernant les nouveaux membres du bureau exécutif, le leader islamique a dit que ce changement s’inscrit dans le cadre des préparatifs en vue du prochain congrès national du Mouvement prévu au mois de juillet 2012. Et d’assurer qu’il «ne présentera pas sa candidature au prochain bureau». Sans s’attarder sur ses projets futurs : va-t-il prendre sa retraite politique et se consacrer à la méditation, ou se prépare-t-il à occuper un nouveau poste plus important hors du parti ? Certains lui attribuent l’ambition de chapeauter une sorte de Haut conseil islamique qui serait créé pour lui, et à sa mesure. Wait and see…
Par ailleurs, M. Ghannouchi est revenu à un sujet qui lui tient à cœur – une figure obligée dans toutes ses performances médiatiques –, les médias, en particulier les médias publics, qu’il a «invités à faire preuve d'objectivité et de neutralité loin de toute forme de calculs politiques étriqués».
Personne n’a demandé aux médias d’être «caisses de résonance pour la propagande ou la diffamation», a-t-il lancé devant un parterre de journalistes. Et d’ajouter qu’Ennahdha a publié un communiqué dans lequel il exprime son attachement à la liberté d’expression et sa dénonciation des sanctions physiques à l'encontre des journalistes, dans une allusion à l’emprisonnement du directeur du journal ‘‘Ettounissia’’, libéré hier matin mais toujours sous le coup de poursuites judiciaires. C’est la justice qui doit trancher sur la question en se conformant à la loi, a dit M. Ghannouchi.
Interpelé sur le mouvement salafiste, M. Ghannouchi a souligné que ce courant s’affirme comme un mouvement multiforme. Chacun groupe a sa conception de l’islam, et certains recourent à la violence comme seule voie de réforme. «Généralement, le courant salafiste n’adopte pas cette démarche», a-t-il estimé, notant «seul le dialogue permet de traiter de ces question».
Rached Ghannouchi a notamment précisé que l’engouement suscité par la visite de Wajdi Ghanim est dû au «vide religieux» dans le pays après l’attaque contre l’institution de la Zitouna et la lutte contre toutes les formes de religiosité durant des décennies.
«Il faut 100 ans pour juger un gouvernement» !
S’agissant du rendement du gouvernement, M. Ghannouchi a noté «généralement les gouvernements ne sont évalués qu’après une période de cent ans, après avoir pris les rênes du pouvoir et obtenu l’occasion d'agir», qualifiant les réalisations du gouvernement de Hamadi Jebali de «positives».
Ennahdha considère aussi que l’expérience de la «troïka» (l’alliance au pouvoir formée par Ennahdha, le Cpr et Ettakatol) est un choix irrévocable qui pourrait être élargi.
Sur un autre plan, M. Ghannouchi a salué toutes les tentatives de fusion entre les partis ayant des affinités idéologiques, faisant remarquer que le foisonnement des partis en Tunisie est «provisoire et lié à la révolution».
S’agissant d’inscrire dans la Constitution que la chariaâ est la source principale de la législation, Rached Ghannouchi a démenti l’élaboration par Ennahdha d’un projet officiel de constitution, qui fait l’objet d’une concertation, a-t-il dit.
Evoquant la séparation entre la prédication et la politique, le leader d’Ennahdha a souligné la nécessité de distinguer entre l’appartenance à un parti et la prédication. «La mosquée n’est pas une tribune pour les partis qu’ils soient d’Ennahdha ou d’un autre», a-t-il souligné.
Répondant à une question sur l’accueil en Tunisie du congrès des amis de la Syrie, qui s’ouvre aujourd’hui à Gammarth, au nord de Tunis, M. Ghannouchi a indiqué que cette invitation a été annoncée lors de la réunion de la Ligue arabe au Caire et se tient en signe de soutien au brave peuple syrien. La Tunisie a posé une condition pour accueillir ce congrès : la non-intervention militaire en Syrie, a-t-il justifié.
I. B. (avec Tap)