La journaliste britannique s’est promenée dans les régions du nord-ouest, de Magdoundech à Ghardimaou, en passant par Jendouba, Kef et Kasserine pour discuter avec les gens, souvent pauvres, chômeurs et désespérés.

Reportage exclusif pour Kapitalis de Eileen Byrne


Photo 1 : Magdoundech, gouvernorat de Kasserine. 2 février 2012, Fatma Zein Chaabani. Elle cherchait quelques racines d'arbustes pour faire un feu chez elle. Elle habite avec son seul fils, qui n’a pas de travail. Depuis l’époque de Ben Ali, elle reçoit 70 dinars par mois de l’Etat.

Photo 2 : Magdoundech, gouvernorat de Kasserine, trois garçons, semi-chômeurs. Parfois, pas très souvent, ils trouvent un ou deux jours de travail en faisant des canaux d’irrigation pour des agriculteurs, payés à 8-10 dinars par jour. Ils disent que les «chantiers» de travail du gouvernorat de Kasserine sont toujours contrôlés par les ex-Rcd.

Il y a de l’électricité dans le village, mais l’eau se trouve à quelques kilomètres. Avec de l’eau, disent-ils, on pourrait cultiver les pommes de terre, les tomates, en plus des oliviers.

Le village n’a pas voté lors des dernières élections, parce qu’il fallait aller à Kasserine pour s’inscrire, disent-ils.

Au centre, Chaâer, 15 ans, a abandonné l’école. Haythem Chaabani, 20 ans, à droite, a abandonné l’année de son baccalauréat, pour problèmes de frais de transport. «Les jours où l’on mange la viande – c’est peut-être un jour par semaine – on s’endort tout souriant.» Facebook ? Ils rient. Aucun n’a Internet.

Photo 3 : Un homme avec sa fille, Hay Karma [pas Karama], à Kasserine.

Abderrahmen Jaballah, cinq enfants, âgés de 18 ans à 11 mois.

Au cours des dernières 3 semaines, il a eu au total 2 jours de travail comme ouvrier, payé à 10 dinars par jour.

Le bébé de 11 mois a des problèmes gastriques. M. Jaballah a demandé un carnet blanc pour des soins médicaux, mais sans succès. La famille ne reçoit aucune aide de l’Etat.

«Regarde ma fille, elle a 10 ans !».

Photo 4 : Ex-siège du Rcd, au Kef.

Photo 5 : Délégué, Ghardimaou, 1er février. Il essaie de distribuer les travaux dans les chantiers de nettoyage de la ville avec équité, selon les besoins de chaque famille, travaillant dans un groupe de cinq personnes.

Son bureau paraissait calme, mais une heure avant il y avait une foule de 200 jeunes au dehors, qui demandait du travail dans un chantier forestier (le chef du chantier étant resté chez lui ce jour-là – le jour où, normalement, il devait embaucher quelques jeunes pour travailler 15 jours).

«Je suis sorti leur parler. Un des jeunes a commencé à m’insulter, mais ses copains le lui ont reproché. Moi je suis ici pour travailler, pas pour être insulté».

Est-ce qu’il a appelé le «wali» (gouverneur) à Jendouba ? «Je ne suis pas sûr qu’il y a un ‘‘wali’’ pour le moment à Jendouba.»  [Il faut être clair, ce monsieur à Ghardimaou n’est pas parmi les corrompus dont on parle dans l’article].

Photos 6 et 7 : Wilaya de Kasserine, 2 février. Chaque mardi et jeudi les gens viennent de plusieurs quartiers de Kasserine, au siège du gouvernorat pour chercher de aide ou du travail. Le précédent gouverneur avait l’habitude de recevoir les gens deux fois par semaine.

Ce jour-là, la plupart des gens de l’administration de la wilaya étaient en grève, demandant plus de sécurité dans leur travail.

Les gens dehors : «Chaque jour on nous dit de revenir plus tard.»

«Ici à Kasserine, il y a d’anciens et de nouveaux voleurs.»

Photo 8 : Ex-soldat en sit-in pour l’emploi, à Kasserine.

Diplômé, il a fait deux ans dans l’armée en service militaire prolongé, et a voulu y continuer, exerçant sa spécialité d’informatique, mais il n’a pas été sélectionné.

Durant le sit-in, il habite dans une tente devant un bâtiment administratif à Kasserine, les hommes dans une tente, et les femmes, y compris son épouse, avec laquelle il s’est marié ce mois de janvier, ailleurs.

Le lendemain de la chute de Ben Ali, il raconte qu’on avait dit aux soldats que si des manifestants essayaient de saisir leurs armes, ils devaient tirer en l’air, et en cas de nécessité, ils avaient le droit de tirer sur les jambes des manifestants : «Cela n’a pas été facile de penser à la possibilité d’en arriver là».