Le 3e congrès du mouvement Ettajdid, s’est ouvert, vendredi, à Ezzahra, au sud de Tunis, avec un mot d’ordre : «L’unification des forces démocratiques». Et une ambition : se refaire une santé après le revers des élections du 23 octobre.
Dans son allocution d’ouverture du congrès, le premier secrétaire du mouvement, Ahmed Brahim, a affirmé que le mouvement s’est engagé, depuis les élections de l’assemblée constituante, dans un processus d’unification des forces démocratiques.
Des négociations et des consultations ont été engagées avec différentes parties et ont permis de mettre en place une plate-forme d’action commune avec le Parti du travail tunisien (Ptt) et les indépendants du Pôle démocratique moderniste (Pdm).
Du Parti communiste au Pôle démocratique
Le mouvement Ettajdid est issu du Parti communiste tunisien (Pct). Il a été fondé lors du congrès du Pct du 22 et 23 avril 1993, qui a abandonné le communisme et s’est engagé à suivre une ligne de centre-gauche, de manière à pouvoir ainsi s’ouvrir aux sensibilités démocratiques et progressistes tout en évitant l’opposition frontale au pouvoir déjà dictatorial de Ben Ali. Le mouvement, alors dirigé par Mohamed Harmel, est légalisé le 14 septembre 1993.
Lors des élections législatives de 1994, le parti obtient 4 sièges à la Chambre des députés, puis 5 en 1999 et 3 en 2004.
Le 30 juillet 2007 s’ouvre son second congrès national. À cette occasion, des personnalités indépendantes, dont l’économiste Mahmoud Ben Romdhane et l’universitaire féministe Sana Ben Achour, sont cooptées pour former une «coalition démocratique» laïque. Un conseil central de quarante membres est formé et réunit, selon une formule d’équilibre, 20 membres issus du mouvement Ettajdid sous sa composition classique et 20 personnalités indépendantes. Un bureau politique composé de 12 membres est également élu.
Cette coalition vise notamment à offrir une «alternative d’opposition crédible» à l’hégémonie du parti au pouvoir tout en exprimant son attachement aux acquis du pays (notamment le statut des femmes à travers le Code du statut personnel).
À l’occasion du congrès de 2007, le premier secrétaire du mouvement, Mohamed Harmel, annonce son retrait. Il occupe toutefois la fonction de président à titre honorifique jusqu’à sa mort en 2011. La fonction de premier secrétaire est accordée par consensus à une nouvelle figure, le linguiste Ahmed Brahim, qui est partisan d’une nouvelle ligne politique à donner au mouvement. Hatem Chaabouni, Mahmoud Ben Romdhane, Jounaidi Abdeljaoued et Samir Taieb occupent les fonctions de secrétaires généraux adjoints.
Lors des élections législatives de 2009, le parti obtient 2 sièges à la Chambre des députés, en constituant le plus petit parti de l’assemblée.
Les fruits amers de la révolution
Après la révolution de 2011, Ahmed Brahim est ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique au sein du gouvernement Mohamed Ghannouchi du 17 janvier au 1er mars 2011.
En vue de l’élection de l’Assemblée nationale constituante, le parti a formé une coalition, le Pôle démocratique moderniste (Pdm), dont il a constitué le principal acteur. Les listes du Pdm ont obtenu 5 des 217 sièges mis en jeu. Trop peu au goût de nombreux militants du parti, alors que le parti islamiste Ennahdha, au terme de quarante ans de musellement, parvient à imposer son hégémonie sur la vie politique tunisienne, emportant 80 sièges et constituant une coalition gouvernementale avec deux autres partis de centre-gauche : le Congrès pour la République (Cpr) et le Forum démocratique pour le travail et la liberté (Fdtl ou Ettakatol). Ettajdid, à l’instar d’autres partis de gauche, se trouve marginalisé dans un pays qui accède enfin à la liberté et à la démocratie.
Cet échec cuisant sonne l’alarme : les partis de gauche, dont Ettajdid, laminés, cherchent à refaire le terrain en fusionnant et en s’alliant pour créer des pôles capables de peser dans les prochaines élections, prévues dans un an.
Pour une alternative populaire
Dans son allocution à l’ouverture du congrès d’Ettajdid, M. Brahim a souligné l’attachement du parti à assumer un rôle important dans la formation d’un courant de la gauche démocratique. Son ambition : créer un parti démocratique populaire disposant d’une large assise et qui soit apte à apporter une alternative, à rectifier le déséquilibre de la scène politique et à proposer un modèle de développement qui soit en rupture avec le libéralisme sauvage tout en garantissant la justice sociale et l’égalité des droits.
M. Brahim a appelé aussi à dépasser les intérêts partisans étroits et à faire preuve d’abnégation pour garantir le succès du processus d’unification des forces démocratiques modernistes face aux dangers qui menacent le pays d’une régression civilisationnelle, par allusion à la montée des mouvements extrémistes religieux.
Le premier secrétaire d’Ettajdid a aussi critiqué la manière de travailler de la troïka au pouvoir (formée par les partis Ennahdha, Congrès pour la République et Ettakatol) qui refuse, a-t-il dit, de mener des consultations avec les différentes parties concernées par la vie politique dans le pays.
Il a aussi appelé le parti islamiste tunisien au pouvoir à exprimer une position claire concernant les tentatives visant à semer le trouble et la discorde entre les Tunisiens, faisant ici allusion aux menées des mouvements salafistes dans les établissements universitaires et sur la voie publique, ciblant souvent les femmes non voilées.
M. Brahim a aussi dénoncé les pressions subies par les médias, affirmant que «les médias publics ne sont pas la propriété du gouvernement». Ces médias, a-t-il dit, doivent «refléter la diversité de la réalité tunisienne dans le respect des normes professionnelles».
Il a aussi appelé à faire front face aux atteintes à l’institution universitaire affirmant que le pays ne peut tolérer davantage de tension et de menaces pour sa stabilité et son unité.
Les différents intervenants, parmi les représentants des partis politiques et de la société civile, ont affirmé la nécessité de réaliser l’équilibre du paysage politique dans le pays et de garantir les conditions d’une alternance pacifique au pouvoir dans la mesure où il s’agit des principales conditions du succès de la transition démocratique et de la concrétisation des objectifs de la révolution.
I. B. (avec agences).