Des affrontements ont éclaté dimanche matin au centre-ville de Sfax (littoral centre-est) entre des syndicalistes et des salafistes. Les premiers ont contraint les seconds à battre en retraite. Et ont pu ainsi faire leur marche de soutien à l'Ugtt tranquillement dans les artères de la ville.


D’un côté de la rue, au centre-ville de Sfax, quelques dizaines de militants syndicalistes brandissant le drapeau national et criant des slogans à la gloire de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt). En face des dizaines d’éléments salafistes, barbus et agitant leur fameux drapeau noir incrusté d’une sourate du Coran en blanc.

La scène dure quelques minutes, avant de dégénérer en rixe entre les deux groupes, qui en viennent rapidement aux mains. Et aux bâtons.

La bataille tourne en faveur des syndicalistes, lorsque les salafistes rangent leurs drapeaux et s’enfuient à travers les rues adjacentes pourchassés par leurs adversaires du jour à coups de pierres et de cris : «Saha Lahya Ya Tajammoô» (‘‘La barbe vous va bien Rcdiste’’), par allusion à l’ancien parti au pouvoir.

Après avoir fait place nette, les syndicalistes ont pu défiler tranquillement à travers la ville, en agitant des slogans à la gloire de l'Ugtt et pour la liberté et l'indépendance de l'action syndicale.

Les relations entre l’Ugtt et les mouvements islamistes progouvernementaux se sont détériorées lorsque des éléments islamistes ont commencé à jeter des sacs d’ordures contre les bâtiments de l’Ugtt dans plusieurs villes du pays. La centrale syndicale a accusé le parti Ennahdha, au pouvoir, d’être derrière ces provocations.

La visite de courtoisie effectuée samedi par Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, au siège de l’Ugtt, Place Mohamed Ali à Tunis, où il s’est entretenu avec le dirigeant de la centrale ouvrière Houcine Abassi, ne semble pas avoir aidé à faire fondre la glace.

La rixe de ce matin à Sfax montre au moins deux choses. Un : les syndicalistes ne sont pas prêts à se laisser intimider par les activistes islamistes qui les prennent pour cibles. Deux : Ennahdha joue un jeu ambigu. Alors que ses dirigeants tendent la main à l’Ugtt et multiplient les déclarations soulignant le rôle important de la centrale syndicale en cette phase de la construction démocratique, des éléments de sa base (ou apparentés) poursuivent leurs attaques contre les syndicalistes. A moins de penser qu’Ennahdha ne contrôle plus ses troupes. Ce qui serait encore plus grave.

Imed Bahri