L’ancien Premier ministre qui, à 85 ans, refuse de prendre sa retraite, au grand désespoir de ses adversaires politiques, ne rate aucune occasion pour énerver ceux qui voudraient le voir hors circuit.

Par Zohra Abid


Béji Caïd Essebsi a brillé par son absence, mardi, lors de la célébration officielle du 56e anniversaire de l’indépendance, au palais de Carthage. C’était prévisible…

Ce bourguibiste pur jus est entré presque en conflit avec ceux qui lui ont succédé aux commandes du pays. S’il n’est pas carrément dans l’opposition.

Le poil à gratter de la «troïka»

Le 26 janvier 2012, dans un communiqué rendu public, l’ex-Premier ministre a brossé un tableau sombre de la situation du pays, mettant en garde le gouvernement en place et tirant la sonnette d’alarme : il faut que la «troïka» (la coalition gouvernementale formée du parti islamiste Ennahdha, du Congrès Pour la République et d’Ettakatol) dise aux Tunisiens où elle les mène et trace une feuille de route claire, indiquant les prochaines étapes et rendez-vous.

Depuis, plus rien ne va entre lui et les nouveaux dirigeants du pays qui, comme hier Ben Ali et ses sbires, dont ils ont acquis rapidement les postures et les réflexes, ont vite crié au complot. Pas moins ! Béji Caïd Essebsi a, il est vrai, lancé un appel aux partis de l’opposition leur demandant de serrer les rangs et de constituer ensemble un front. On avait même susurré à l’oreille du gouvernement qu’il piaffe d’impatience de prendre lui-même la tête de ce front.

Entre les partisans d’Ennahdha et M. Caïd Essebsi, la colère est montée d’un cran. A plusieurs reprises, sur les plateaux de la télévision, il y a eu des échanges et des débats houleux autour de deux visions opposées de l’avenir du pays. A  chacun son plan et… son clan pour le défendre.

Le grand timonier

Pour faire face au gouvernement, les pro-Caïd Essebsi ont décidé de commencer le travail, et le plus tôt sera le mieux. L’Association nationale de la pensée bourguibienne (Anpb) a déjà prévu pour samedi 24 mars un meeting à Monastir, ville natale de Habib Bourguiba, premier président de la République (1957-1987). Y participeront, pas moins de 525 associations, 52 partis, des syndicalistes, des hommes d’affaires... Tout ce beau monde, sous l’égide de l’ex-Premier ministre, M. Caïd Essebsi, grand timonier devant l’Eternel, qui conduira le bateau. Au menu du débat : l’avenir de la Tunisie.

Quoi de plus exaltant pour cet homme du passé, et du… passif, au moment où une plainte a été déposée contre lui devant la justice pour le rôle qu’il aurait joué dans la machine répressive de Bourguiba, dont il fut, des années durant, le ministre de l’Intérieur ?

Selon Mohamed Braïek Hamrouni, président de l’Anpb, cette rencontre permettra de «rapprocher les points de vue entre les partis et les composantes de la société civile et sans exclusion aucune», rapporte l’agence Tap. Et d’ajouter qu’il était temps de mettre fin à l’atomisation de la scène politique afin de concentrer tous les efforts sur les domaines économique, social et politique.

Demain est un autre jour

Avec Caïd Essebsi dans le rôle de rassembleur, il y a à parier que cela fera grincer quelques dents : le front des Destouriens et de leurs avatars, les Rcdistes, est-il en train de se constituer ? Et l’on vous laisse imaginer contre qui…

Après la ville de Monastir, d’autres rencontres similaires auront lieu dans toutes les régions du pays, annoncent les organisateurs, qui voient décidément très grand, en pensant sans doute aux prochaines élections législatives, dans d’un an. Inchallah…